Le numéro SIREN, simple outil d’identification et non d’acquisition de la personnalité morale d’une société

Cass.com., 29 novembre 2023, n°22-16.463, publié au bulletin

Dans un arrêt de rejet du 29 novembre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a indiqué que le numéro SIREN attribué à une société, n’est destiné qu’à l’identifier auprès des administrations, des personnes ou organismes, mais n’est pas une condition nécessaire à l’acquisition de la personnalité juridique.

 

En l’espèce, par acte des 20 et 21 novembre 2019, une promesse synallagmatique de vente et d’achat d’un bien immobilier est signée entre une SCI et une SAS. Par une ordonnance du 30 juillet 2020, un juge de l’exécution autorise la SAS à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier, garantissant une créance de dommages-intérêts qui seraient dus du fait de la nullité de la promesse pour vice de consentement. La SCI assigne la SAS aux fins de mainlevée de l’inscription de cette hypothèque. En cause d’appel, la SCI soulève une fin de non-recevoir en ce que la SAS ne dispose pas de la qualité à agir puisqu’elle n’avait pas acquis la personnalité morale au jour de la conclusion de la promesse.

Dans un arrêt du 17 février 2022, la Cour d’appel de Paris rejette la fin de non-recevoir, et en conséquence rejette les demandes tendant à la rétractation de l’ordonnance autorisant l’hypothèque judiciaire provisoire et à la mainlevée de celle-ci. Les juges retiennent que l’acquisition de la personnalité morale s’opère une fois toutes les étapes de l’immatriculation réalisées, y compris celle de l’attribution du numéro SIREN.

La SCI forme un pourvoi en cassation en soutenant que le numéro SIREN n’est pas une composante nécessaire à l’immatriculation de la société, de sorte à ce que ce numéro n’est exigé qu’à titre d’identification avec des personnes tierces à cette société[1].

Toute la question est de savoir si une société doit obtenir l’attribution d’un numéro SIREN après l’immatriculation afin d’acquérir la personnalité morale.

 

La Haute juridiction répond par la négative, au visa de l’article 1842 du Code civil[2] et rappelant de ce fait que les sociétés autres que celles en participation jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation au RCS[3]. Cet attendu de principe vise à rappeler ce qu’est l’immatriculation d’une société : c’est l’inscription des sociétés sur un registre national, le RCS (devenu RNE[4]) et qui fait naître la personnalité morale. Cela permet à la société d’avoir la capacité juridique et d’obtenir des droits et devoirs tels que le droit d’ester en justice ou de conclure des actes.

La chambre commerciale précise sa solution en énonçant que le numéro SIREN attribué par l’Insee, n’est destiné qu’à l’identification de la société auprès des personnes tierces[5] à celle-ci, mais il ne conditionne pas l’acquisition de la personnalité juridique. En effet, le numéro SIREN, composé de neuf chiffres attachés à la société est attribué après l’immatriculation, l’acquisition de ladite personnalité est déjà admise. Il peut alors servir de preuve à cette opération. Cet élément vient s’ajouter aux autres caractéristiques de la société à savoir, la dénomination ou le siège social par exemple.

Dans les faits d’espèce, la SCI considère que la SAS est une société en formation, dont l’obtention du numéro permettrait d’achever l’immatriculation. Il y a une inversion dans les étapes de la procédure par la demanderesse au pourvoi. Néanmoins, cette interprétation peut se comprendre car c’est bien l’obtention du numéro SIREN qui conditionne l’obtention d’autres numéros pouvant être nécessaires à la société. C’est le cas du numéro SIRET ou du numéro de TVA intracommunautaire[6]. Ces formalités s’effectuent dorénavant sur le Guichet Unique via l’INPI mais si elles manquent, l’immatriculation est belle et bien constatée d’avance, ce qui ne remet pas en cause l’acquisition de la personnalité juridique.

 

La décision s’inscrit dans une continuité jurisprudentielle[7] portant sur l’acquisition de la personnalité juridique d’une société, et vient déterminer les étapes d’une immatriculation, tout en précisant de façon inédite l’utilité du numéro SIREN.

            Quentin SCOLAN

 

[1] C.com., Art. D123-235.

[2] C.civ., Art. 1842 al.1.

[3] Registre du commerce et des sociétés.

[4] Loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, Art.2, dite « Loi PACTE ».

[5] Loi n°94-126 du 11 février 1994, Art.1.

[6] « Comment obtenir un numéro Siren ou un Siret »,  vérifié le 1er janvier 2023 (en ligne) : https://entreprendre.service-public.fr

[7] Cass.civ.2ème, 21 novembre 2002, n°01-10.222 ; Cass.com., 1er juillet 2003, n°01-02.479 ou Cass.civ.3ème, 25 mai 2023, n°22-15.314.

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