La portée des limitations statutaires de pouvoirs du gérant d’une SARL
- Par jurisactuubs
- Le 22/01/2024
- Dans Droit des sociétés
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Article publié le 14 avril 2019
La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 9 janvier 2019 dans lequel elle se prononce sur la portée de l’inopposabilité aux tiers des limitations de pouvoirs d’un gérant de SARL.
En l’espèce, la société civile d’exploitation agricole Domaine Z (la société SCEA) a pour associé unique la société à responsabilité limitée Rouvière Plane (la SARL). La SCEA a consenti à M. X un bail rural à long terme portant sur diverses parcelles de vignes. Elle a été autorisée à consentir ce bail par une décision de son assemblée générale du 12 juin 2013.
La SCEA a ensuite assigné M. X en annulation du bail. Elle allègue un défaut de pouvoir, lors de cette assemblée, du gérant représentant son associé unique la SARL. Le gérant de la SARL, représentant de la SARL à l’assemblée général de la SCEA, SARL qui est l’associé unique de la SCEA, n’avait pas les pouvoirs nécessaires pour autoriser la signature du bail à long terme. En effet, dans les statuts de la SARL, l’autorisation d’un tel acte de disposition devait être soumise à une décision collective extraordinaire.
La Cour d’appel de Dijon a rendu son arrêt le 29 septembre 2016. Les juges du fond ont rejeté la demande de la SCEA. Celle-ci soutient que l’article L223-18 alinéa 4 du code de commerce n’est pas applicable lorsque le tiers prétend, pour agir en nullité de l’acte accompli par la société à responsabilité limitée, que le gérant de celle-ci a excédé ses pouvoirs statutaires. Les juges du fond ont décidé que la nullité résultant de l’excès de pouvoir de la société à responsabilité limité est une nullité relative que seule celle-ci pouvait invoquer.
De plus, le requérant affirme que la Cour d’appel a violé les articles 455 et 954, dernier alinéa, du code de procédure civile en ce qu’elle n’a pas réfuté la motivation du jugement entrepris qu’elle infirme.
La SCEA se pourvoit alors en cassation. La Haute juridiction rejette ce pourvoi. En application de l’article L223-18 du code de commerce, les clauses limitant les pouvoirs du gérant sont inopposables aux tiers. Les statuts de la SCEA autorisaient la conclusion d’un bail, elle était donc régulièrement engagée avec M. X. Il en résulte que le dépassement de pouvoir du représentant de l’associé unique de la SCEA lors de la délibération de l’assemblée générale ayant autorisé cette société à consentir le bail, établi de fait ou non, est peu important, car une telle limitation statutaire est inopposable aux tiers. La Cour d’appel a donc statué à bon droit. La Haute juridiction a validé le contrat signé par la SCEA en validant les pouvoirs du gérant de son associé unique.
De ce fait, le principe de l’inopposabilité aux tiers des limitations de pouvoirs d’un gérant de SARL est également applicable dans le cas d’une société civile d’exploitation agricole ayant pour associé unique une SARL. La société civile ne peut pas opposer à un cocontractant les limitations statutaires des pouvoirs du gérant de la SARL associé unique.
La Cour de cassation, dans cet arrêt, rappelle un principe déjà bien admis en jurisprudence, notamment dans un arrêt de la chambre commerciale du 2 juin 1992[1], arrêt dit société Altech médical contre Crédit du Nord. Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants des sociétés à responsabilité limitée sont inopposables aux tiers, peu important qu'ils en aient ou non connaissance.
Ophélie WECK
Sources :
- Cass. Com., 9 janvier 2019, n°16-26.697
- BROSSARD Henri-Pierre, « Portée de l’inopposabilité aux tiers des limitations de pouvoirs d’un gérant de SARL », ELnet Droit des affaires, publié le 12 février 2019, disponible sur www.editions-legislatives.fr
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