"Nos clients sont désormais tournés vers la sortie de crise "
- Par jurisactuubs
- Le 22/01/2024
- Dans Interview des professionnels
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Article publié le 5 mars 2021
Maëlle Guillanton travaille pour le cabinet, PricewaterhouseCoopers (PwC) à Paris depuis trois ans. Senior en audit financier, elle a vu des près les incidences du Covid-19 sur les entreprises. Elle nous livre son analyse.
En quelques mots, en quoi consiste votre métier ? Quelles sont vos missions ?
J’interviens auprès d’entreprises, principalement sur des groupes cotés en bourse avec des filiales à l’internationale. Mes missions sont principalement liées à la certification légale des comptes annuels. Cette certification a pour but de délivrer une opinion sur la sincérité, régularité et conformité légale des états financiers de l’entreprise. En tant qu’auditeur externe, notre rôle est donc de comprendre l’organisation de l’entreprise ainsi que les procédures en vigueur, évaluer les risques ainsi que le contrôle interne en place. En réponse, nous réalisons différents travaux pour « tester » les données financières : réexécution, vérification, inspection, observation… Ces travaux permettent à la fin de l’année au commissaire aux comptes de délivrer son opinion, attendue notamment vis-à-vis des parties prenantes de la société. Un auditeur externe réalise plusieurs missions de ce type tout au long de l’année, avec des clients de différents secteurs d’activité, de différentes tailles et à des organisations bien différentes.
Comment réagissez-vous en cas d'irrégularités dans les comptes de l'entreprise ?
Tout d’abord, il est à noter que l’auditeur travaille avec des seuils monétaires pour déterminer le caractère significatif. C’est-à-dire qu’au-delà de ce seuil, l’impact influe sur la compréhension et le jugement des comptes comptables présentés. Ce montant est prédéfini détermine la nature et l’étendue des travaux à réaliser et l’importance des anomalies relevées. La reconsidération de ce seuil au cours de nos travaux est possible. Les travaux d’audit sont réalisés par le biais de techniques de sondages et d’échantillonnage. Tout au long de l’audit, nous faisons preuve de jugement professionnel et d’esprit critique. Lors d’irrégularité ou d’inexactitude, nous échangeons tout d’abord avec l’équipe d’audit. Il faut dans un premier temps dissocier l’acte volontaire (la fraude) ou non (l’erreur) ainsi que l’impact potentiel sur les comptes. En cas de fraude, nous (ré)évaluons le risque de l’anomalie sur l’entreprise, en menant divers entretiens pour confirmer ou non la présence d’un cas de fraude. Nous devons ensuite communiquer les résultats à la direction et divers organes de décision de la société auditée (conseil d’administration, comité d’audit…). Par la suite, le cas de fraude sera révélé au Procureur de la République. Lors d’anomalies significatives non intentionnelles, nous évaluons l’impact global en réalisation des travaux complémentaires si nécessaires et nous demandons la modification des états financiers auprès de la direction. En cas de refus, elles sont également présentées à la direction et aux différents organes de décision dans nos conclusions et présentées en lettre d’affirmation. En cas d’anomalie très significative, le commissaire aux comptes peut décider de certifier avec réserves ou tout simplement refuser la certification.
Quelles sont les répercussions les plus visibles du Covid que vous observez sur vos clients ?
Nos clients ont dû s’adapter très vite à une crise sanitaire entraînant un arrêt net d’une partie ou de la globalité de leur activité. Nos clients ont dû faire face à des nouvelles problématiques de gestion telles que la suspension/réduction d’activité de leurs salariés, mise en place du télétravail qui pose de nombreuses questions. Notamment par la mise en place d’infrastructures informatiques assurant la confidentialité, l’intégrité de l’information, l’équipement des salariés, un risque accru de cyberattaques… Ils ont dû également prendre connaissance des aides gouvernementales proposées, faire face aux pénuries auprès des fournisseurs. Dans la majorité des cas, ils ont arrêté net les dépenses non essentielles (achats, marketing…) face à l’imprévisibilité de la situation. Au fur et à mesure que la crise s’est prolongée, ils ont rencontré des pertes de valeur d’actif (notamment lorsque les boutiques sont fermées), des pertes de stock (en cas de dépassement de date limite de consommation) et restent attentifs aux potentielles pertes de créances à venir. Avec quelques mois de recul, nos clients sont désormais tournés vers la sortie de crise et se questionnent sur les évolutions entraînées par cette crise notamment concernant l’environnement de travail.
Votre approche a-t-elle été adaptée depuis le début de la crise ?
Depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid-19, nous privilégions le travail à distance avec le passage en télétravail. Il a fallu faire preuve d’adaptation pour ce métier qui nécessite beaucoup d’interactions avec le client mais également entre collègues. Nous avons fait face à de nouvelles problématiques notamment des questions de cybersécurité chez nos clients, comment s’échanger des informations/documents de manière sécurisée… Nous avons maintenu une communication régulière avec nos clients afin de comprendre la manière dont ils étaient affectées indirectement (ou pas) par la pandémie et comprendre les adaptations envisagées, les plans mis en place…Les échanges nous ont également permis d’anticiper et traiter les éventuelles difficultés rencontrées par les entreprises auditées et d’évaluer leur capacité à poursuivre leur activité dans un avenir encore incertain. Selon l’impact de la crise sur l’activité de nos clients, nous sommes amenés à revoir les seuils de signification que nous avons évoqué. De plus, nous avons pour habitude de nous appuyer dès que possible sur le contrôle interne mis en place chez le client. Néanmoins, celui-ci a été perturbé du fait du travail à distance et de la mise en chômage partiel de de certains employés. Le risque de fraude s’est fortement accru. De nouvelles questions se sont posées sur la gestion des stocks obsolètes, le calcul des provisions pour dépréciation clients…Tous ces changements ont abouti à des travaux complémentaires tout en respectant les délais impartis.
Recueilli par Cyprien CAUX
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