Rappel d’une exigence de motivation pour la question du délai de forclusion d’une demande d’indemnisation à la CIVI
- Par jurisactuubs
- Le 29/02/2024
- Dans Droit pénal
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(Cass. 2e civ., 30 novembre 2023, n°22-13.656)
En France, la volonté du législateur en droit pénal est depuis longtemps de permettre une meilleure réparation des victimes. C’est dans ce cadre qu’ont été créées les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI)[1]. Présentes dans chaque tribunal judiciaire, elles ont pour rôle de déterminer l’indemnisation des victimes par des fonds de garanties lorsque l’auteur est insolvable ou non-identifié. Néanmoins, pour pouvoir bénéficier de ce fonds, l’ayant droit doit respecter un délai pour saisir la CIVI.
L’article 706-5 du Code de procédure pénale prévoit que la demande d’indemnité doit être présentée dans les trois ans à compter de la date de l’infraction. Ce délai peut être prorogée d’un an après la décision du jugement définitif qui a statué sur l’action civile ou publique engagée devant une juridiction pénale. Cependant, et comme en témoigne l’arrêt en cause, ce délai de forclusion peut être levé pour différentes raisons, dont l’aggravation du préjudice.
En l’espèce, une personne est victime d’une agression alors qu’elle est passagère d’un autobus le 29 mars 2014. Le 1er avril 2014, elle porte plainte pour violences volontaires. Le 2 avril 2014, l’unité médico-judiciaire du centre hospitalier examine la victime et conclut à une incapacité temporaire de 45 jours. Par requête du 14 mars 2019, elle saisit une CIVI pour obtenir réparation de son préjudice et porte plainte le 29 juin 2020, avec constitution de partie civile amenant à une ouverture d’information le 20 octobre 2020.
La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 4 février 2021, rejette la demande d’indemnisation, estimant que, bien que, la victime ait saisi une CIVI dans les délais légaux, la requête est forclose puisqu’aucune procédure pénale n’avait été engagée avant le 29 mars 2017. Autrement dit, la saisine de la CIVI est distincte de la procédure pénale.
La victime se pourvoit en cassation en se prévalant, d’une part, que la cour d’appel indique qu’aucune procédure pénale n’a été engagée alors même qu’elle a porté plainte le 1er avril 2014 et qu’en raison de l’état d’urgence sanitaire le délai pour porter plainte avec constitution de partie civile est repoussé jusqu’au 10 août 2020.
D’autre part, la demanderesse indique que la cour d’appel a refusé de relever la forclusion, alors même qu’elle a notifié par conclusions le 26 novembre 2020 l’aggravation de ses séquelles psychologiques.
La Haute juridiction rend un arrêt de cassation partielle. Elle confirme d’abord la décision des juges du fond en rappelant via l’article 706-5 du Code de procédure pénale que le délai de forclusion ne peut être prorogé seulement s’il n’a pas déjà expiré au jour où des poursuites pénales sont exercées. Elle constate en ce sens qu’aucune procédure pénale n’avait été engagée depuis l’infraction et avant le 29 mars 2017, ce qui rend la requête forclose.
La Cour de cassation casse dans un second temps la décision d’appel quant à l’aggravation du préjudice, au visa de l’article 455 du Code de procédure civile. Elle considère que les juges du fond n’ont pas motivé leur décision en excluant de leur argumentaire les conclusions fournies par la requérante relative à l’aggravation de son préjudice.
La Cour de cassation rappelle à l’ordre la cour d’appel avec cet arrêt. En effet, la Haute Juridiction en annulant cet arrêt au visa de l’article 455 du Code de procédure civile rappelle que la cour d’appel aurait dû motiver sa décision et surtout tenir compte des conclusions fournies par la requérante.
Il est important de rappeler que la cassation sur le fondement de l’article 455 du Code de procédure civile n’était pas évident puisque le moyen avancé par la requérante était fondé sur l’article 4 du Code de procédure pénale traitant de l’articulation entre l’action publique et civile en matière pénale mais il est cependant assez logique que cet article hors de propos ait été écarté au profit de l’article 455 du Code de procédure civile compte tenu du fait de l’importance que les conclusions exposées avaient et qui auraient permis de lever la forclusion de la demande d’indemnité.
Hugo SOUESME
Sources :
N. ALLIX, « Délai pour présenter une demande devant la CIVI et exigence de motivation », Dalloz actualité, 21 décembre 2023, https://www.dalloz-actualite.fr/flash/delai-pour-presenter-une-demande-devant-civi-et-exigence-de-motivation.
C.BERNFELD et E. ABRAHAM, « Le temps de l’action en réparation du dommage corporel », Responsabilité civile et assurances n° 1, Janvier 2024, dossier 4
[1] Loi n°77-5 du 3 janvier 1977 garantissant l’indemnisation de certaines victimes de dommages corporels résultant d’une infraction.
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