La demande du salarié d’être dispensé de son préavis préalablement à la notification de son licenciement
- Par jurisactuubs
- Le 22/01/2024
- Dans Droit du travail
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Article publié le 26 janvier 2023
e 7 décembre 2022[1], la chambre sociale de la Cour de cassation est venue confirmer qu’un salarié ne peut renoncer à son préavis avant la notification de son licenciement, et que cette demande n’exempte pas l’employeur des recherches de reclassement et ses offres.
En l’espèce, une salariée a été informée le 15 avril 2016 de la suppression de son emploi et de l’impossibilité de reclassement de celui-ci. Toutefois, ayant obtenu une proposition d’embauche, elle a fait part de son souhait d’être licenciée rapidement afin de pouvoir répondre favorablement à cette offre. De ce fait, elle a demandé par lettre du 22 avril 2016 d’être exemptée de son préavis dans le cadre du licenciement économique, auquel l’employeur a répondu positivement. Pourtant cette salariée a saisi les juridictions prud’homale en contestation de son licenciement pour motif économique notifié le 27 mai 2016, qui firent droit à ses demandes d’indemnisation.
Par un arrêt en date du 10 mars 2021, la Cour d’appel de Paris a donné raison à la salariée. Les juges du fond ont constaté en premier lieu que la salariée avait renoncé le 21 avril 2016 à l’exécution du préavis ; soit un mois avant la notification de son licenciement. Les juges du fond ont retenu que « tout aussi inopérant qu’erroné la salariée ne pouvait valablement renoncer au préavis avant le licenciement » et ont condamné l’employeur au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis. Ce dernier arguera pour sa défense « que l'employeur n'est pas tenu au paiement d'une indemnité́ compensatrice lorsqu'il a dispensé́ le salarié d'exécuter son préavis sur sa demande, peu important que cette demande ait été formulée avant le licenciement ». En second lieu, les juges du fond ont précisé que la demande d’exemption de préavis de la salariée ne pouvait dispenser l’employeur de ses obligations légales en matière de licenciement pour motif économique. Ce dernier n’ayant pas démontré avoir effectué de façon sérieuse et loyale son obligation de reclassement en lui proposant les postes disponibles, a manqué à son obligation de reclassement. Il est condamné à payer à la salariée des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. A cet effet, l’employeur a soutenu avoir pris en compte dans ses recherches de reclassement, de la volonté de la salariée d’être licenciée rapidement pour pouvoir occuper un nouvel emploi. En conséquence, l’employeur a décidé de se pourvoir en cassation.
La chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel et rejeté le pourvoi formé par l’employeur.
Sur le premier moyen, elle déclare sur le fondement de l’article L.1234-1 du Code de travail, qu’en cas « d’inexécution par le salarié du préavis, l’employeur n’est tenu au paiement d’une indemnité compensatrice que lorsqu’il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d’exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable. ». Dès lors, la Cour de cassation va tirer les conséquences de l’article L.1231-4, selon lequel, « l'employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles du licenciement ».
Sur le second moyen, la Cour de cassation déclare que l’employeur doit avant tout licenciement économique rechercher toutes les possibilités de reclassement pouvant exister. Il doit également proposer aux salariés licenciés tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d’une catégorie inférieure.
En ce sens, la Cour de cassation a confirmé le raisonnement des juges du fond sur les deux moyens. L’employeur est condamné aux paiements des diverses indemnisations fixées par la Cour d’appel.
Pour conclure, la Haute juridiction dans cet arrêt :
- Reprécise[2] « la centralité du moment de la notification du licenciement, qui vient cristalliser le périmètre d’application formulé à L.1231-4 »[3]. L’employeur devra recueillir la demande d’exemption du préavis de son salarié préalablement à la notification de licenciement. Bien que cette solution semble compréhensible au regard de l’article susvisé, et de l’objet même du préavis[4], cette dernière fait l’objet de certaines critiques. Elle serait jugée trop sévère à l’égard de l’employeur soucieux de satisfaire la demande de son employée[5].
- Renforce[6] son positionnement en matière de reclassement en rappelant que l’employeur est tenu de respecter ses obligations légales en matière de licenciement économique, nonobstant la demande la salariée de quitter rapidement son poste.
[1] Soc. 7 déc. 2022, F-B, n°21-16.000
[2] Soc. 18 mai 1999, n° 97-40.686
[3] MALFETTE. L « L’impossible renonciation du salarié à son préavis avant son licenciement », Dalloz Actualité, 16 décembre 2022
[4] Définition du préavis, « Délai qui s’écoule entre la notification de la rupture du contrat de travail (licenciement, démission, etc.) et la date de fin du contrat de travail » (en ligne), Code de travail numérique. Disponible sur : https://code.travail.gouv.fr/glossaire/preavis
[5] MALFETTE. L « L’impossible renonciation du salarié à son préavis avant son licenciement », Dalloz Actualité, 16 décembre 2022
[6] Soc. 24 juin 2008, n° 06-45.870
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