La déchéance partielle du droit à remboursement de la caution dans son défaut d’obligation d’information du débiteur

Article publié le 4 novembre 2020

 

Dans un arrêt rendu le 9 septembre 2020[1], la première chambre civile de la Cour de cassation décide que la caution qui aurait désintéressé le créancier sans en avoir préalablement informé les emprunteurs, s’expose à la déchéance de son droit à remboursement à hauteur des sommes que les emprunteurs avaient déjà acquittées.

 

[1] Civ.1ère, 9 septembre 2020, n°19-14.568.

 

 

En l’espèce, un cautionnement avait été conclu en garantie d’un contrat de prêt accordé à des époux par une banque. Face aux impayés, la caution décide d’acquitter les sommes réclamées sans en avertir les débiteurs, et juge opportun de revendiquer le remboursement desdites sommes auprès des emprunteurs. Mais ceux-ci contestent la réclamation et assignent la banque et la caution en nullité du contrat de prêt et du cautionnement et en paiement de dommages et intérêts, tandis que la caution assigne les emprunteurs en remboursement des sommes versées.

La Cour d’appel de Versailles, par un arrêt rendu le 24 janvier 2019, proclame la nullité du contrat de prêt en raison du « démarchage irrégulier des emprunteurs ». Ces derniers sont condamnés à rembourser la caution à proportion du capital prêté avec intérêts à taux légal à compter du jour du jugement.

Un pourvoi principal est intenté par la caution qui réfute la condamnation limitée des débiteurs. De leur côté, les emprunteurs forment un pourvoi incident contre le remboursement de la caution. Les débiteurs soutiennent que la caution a failli à son obligation en omettant de les avertir du désintéressement du créancier alors même que celui-ci ne l’avait pas poursuivie mais seulement sollicitée au moyen d’une lettre. En ce sens, ce manquement contractuel prive, en principe, la caution de tout recours, lorsqu’au moment du paiement les emprunteurs ne disposaient pas de moyens d’éteindre leur dette.

Pourtant, ce n’est pas ce que retient la Cour de cassation[1]. Elle rejette, en premier lieu, le pourvoi principal de la caution pour manquement à son obligation d’information. En second lieu, le pourvoi incident est rejeté au motif que les emprunteurs bénéficiaient, au moment du paiement par la caution, d’un moyen de nullité du contrat de prêt qui aurait engendré le remboursement du capital à hauteur des sommes déjà acquittées. Ainsi, il semblait logique pour la haute juridiction d’octroyer un remboursement partiel à la caution des sommes que les emprunteurs n’auraient pas eu à restituer[2].

Cette solution adoptée par la Cour de cassation s’analyse à la lumière de l’article 2308 du Code civil[3], lequel prévoit la déchéance totale du droit à remboursement de la caution lorsqu’elle a négligé l’information des débiteurs alors même qu’elle n’était pas poursuivie par le prêteur. En adoptant une déchéance partielle, la haute juridiction entend protéger la caution face à l’inexécution de l’obligation principale par ses cocontractants.

            En réalité, aucun droit à remboursement n’est offert à la caution lorsque les débiteurs ne disposaient pas d’un moyen d’extinction de leur dette lors du désintéressement du créancier. Dans le cas d’espèce, le droit des emprunteurs d’agir en nullité de leur contrat au moment du paiement a permis à la caution de bénéficier du report de la sûreté sur l’obligation de restitution, et ce, en accord avec l’article 1352-9 du Code civil[4]. Toutefois, l’annulation de l’obligation principale aurait dû entraîner celle du cautionnement, en raison du principe de l’accessoire. 

La Cour de cassation semble ainsi œuvrer pour un assouplissement de la déchéance du droit de recours de la caution, même lorsqu’une obligation contractuelle a été mise à mal[5].

                                                                                                                      Margaux YAGUES

 

[1] V. TECHENE, « Perte partielle du recours de la caution qui a payé le créancier, faute d’information préalable du débiteur », 23 sept.2020, www.lexbase.fr.

[2] J.D. PELLIER, « Une application (trop) mesurée de la déchéance du droit à remboursement de la caution », 25 sept.2020, www.dalloz-actualite.fr

[3] Art.2308. C. Civ. : - « Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte [..] ».

[4] Art.1359-2 C. Civ. : - « Les sûretés constituées pour le paiement de l'obligation sont reportées de plein droit sur l'obligation de restituer sans toutefois que la caution soit privée du bénéfice du terme ».

[5] Civ. 1re, 10 juin 2020, n° 18-24.287.

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