En l’absence d’engagement du délégué de régler le créancier, la délégation ne peut être caractérisée
- Par jurisactuubs
- Le 22/01/2024
- Dans Droit des contrats
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Article publié le 22 février 2019
Dans un arrêt du 22 novembre 2018, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a dû se prononcer sur la validité d’une délégation et sur les conditions nécessaires à sa caractérisation.
En l’espèce, la Banque calédonienne d’investissement a consenti deux prêts à un particulier pour lui permettre de financer l’acquisition de parts au sein de deux SCI, propriétaires de lots dans un immeuble en copropriété. Le remboursement de ce prêt était garanti par l’inscription de deux hypothèques sur ces lots. L’emprunteur, représenté par le syndic de copropriété, avait par ailleurs souscrit une assurance multirisques. Cependant, en 2005, un incendie ravage une grande partie de l’immeuble et notamment les lots, propriétés des SCI. C’est à l’issue d’un arrêt du 9 août 2012 que l’assureur verse finalement diverses sommes qui étaient dues au titre de l’assurance souscrite. Cependant, la banque assigne le 15 octobre 2013 l’assureur en paiement des indemnités dues à la suite de l’incendie sur le fondement d’une délégation dont elle se prévaut et des dispositions de l’article L.121-13 du Code des assurances.
Déboutée en première instance puis en appel, la banque se pourvoit en cassation.
Dans un premier temps, la Cour de cassation rejette son pourvoi au motif qu’elle n’a pas respecté certaines règles primordiales de procédure civile. En effet, elle a soulevé en cassation un grief qui portait sur la décision de première instance, grief qu’elle n’a pas relevé en appel.
Dans un second temps, la Cour de cassation constate qu’en l’espèce, le délégué n’avait pris aucun engagement de régler le créancier et quand bien même la banque invoquait certaines clauses d’un avenant à la police d’assurance qui prévoyaient une « délégation de bénéfice au profit de la BCI ». Par conséquent, la deuxième chambre civile approuve la solution de la Cour d’appel qui refusait de caractériser une délégation. La banque ne pouvait donc prétendre au versement des sommes dues au titre de l’assurance multirisques.
La Cour de cassation exige donc un consentement exprès à la délégation, estimant que la simple mention dans un contrat ne suffit pas à caractériser un tel consentement. Par ailleurs, et certainement dans l’optique de sanctionner la banque qui n’a pas été vigilante et peu rigoureuse dans le cadre de son pourvoi, la deuxième chambre civile rappelle que l’assurance n’a pas été souscrite personnellement par l’emprunteur mais par le syndic de copropriété ce qui ne fait pas de la banque le délégataire de l’assureur. La Haute juridiction estime donc que la mention présente dans l’avenant à la police d’assurance caractérisait uniquement « une simple indication de paiement ».
La deuxième chambre civile effectue ici une interprétation stricte des dispositions de l’ancien article 1275 du Code civil, qui disposait que la délégation n’opérait nullement novation en l’absence d’engagement exprès de la part du créancier.
Cependant, cette solution apparaît quelque peu en contradiction avec les dispositions de l’article L.121-13 du Code des assurances, que la Cour vise dans sa solution, qui prévoient que « les indemnités dues par suite d'assurance contre l'incendie, (…) sont attribuées sans qu'il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers privilégiés ou hypothécaires, suivant leur rang ».
Cependant, la Cour de cassation constate que la Cour d’appel a fait application du deuxième alinéa de l’article du Code des assurances qui dispose que les paiements de bonne foi effectués avant opposition sont valables. La Cour d’appel avait ainsi reproché à l’assureur de ne pas avoir vérifié le rang de la banque, qui s’avérait donc créancier hypothécaire et qui aurait donc dû bénéficier des indemnités. La Haute Juridiction rejette cette analyse et estime que l’assureur avait déjà indemnisé le syndic à la suite de l’incendie et donc que l’opposition formée par la banque ne pouvait être que le fruit d’un acte de mauvaise foi. La Cour de cassation censure donc ce raisonnement, sûrement là encore pour sanctionner la banque calédonienne.
Sans doute que le raisonnement employé par les juges du droit était circonstancié à l’espèce, en ce sens où ils ont souhaité sanctionner la banque pour son manque de rigueur et sa mauvaise foi. Toutefois, même si la banque n’avait rien eu à se reprocher, il est fort probable que la solution fût la même et que la délégation lui aurait été refusée.
Cyrille COSTE
Sources :
- Cass. civ. 2ème, 22 novembre 2018, n° 17-20.926
- HERVIEU Merryl, « Condition du consentement à la délégation », dalloz-actu-etudiant, 17 décembre 2018, disponible sur: www.actu.dalloz-etudiant.fr
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