La présomption irréfragable de connaissance des vices pour le seul vendeur professionnel et l’exercice de l’action récursoire
- Par jurisactuubs
- Le 11/03/2024
- Dans Droit des affaires
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(Cass.com., 17 janv. 2024, n°21-23.909)
Par un arrêt de cassation en date du 17 janvier 2024, publié au bulletin, la chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce sur la présomption irréfragable de connaissance des vices pour le seul vendeur professionnel et l’exercice de l’action récursoire.
En l’espèce, une société consent à un exploitant forestier un contrat de location-vente d’un tracteur. Quelques mois plus tard, l’engin prend feu lors de son ravitaillement en carburant occasionnant sa destruction et des dégâts aux propriétés environnantes.
L’expertise diligentée par l’assureur du preneur de la location-vente conclut à l’existence d’un vice caché.
L’assurance de l’exploitant assigne la société venderesse et son assuré en garantie légale des vices cachés. Le preneur exerce devant la Cour d’appel une action récursoire contre le vendeur.
Par un arrêt du 7 septembre 2021, la Cour d’appel de Pau déclare irrecevable pour cause de prescription l’action récursoire et condamne la société venderesse ainsi que l’exploitant à indemniser la compagnie d’assurance pour les frais d’assistance à l’expertise et pour les fonds touchés par l’incendie.
L’exploitant se pourvoit en cassation. Il estime, tout d’abord, que seul le vendeur professionnel doit être présumé connaître les vices et qu’en l’occurrence son activité forestière ne lui permet pas de bénéficier de cette qualité. Ensuite, il reproche aux juges du fond de déclarer irrecevable son action récursoire alors que « l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, sans avoir à être intentée dans un délai de prescription de cinq ans à compter du jour de la vente ».
Au visa des articles, 1645, 1648 et 2232 du Code civil, la chambre commerciale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Pau.
Tout d’abord, les magistrats du Quai de l’Horloge assoient leur première cassation en rappelant qu’il résulte de l’article 1645 du Code civil « une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice qu’il a vendu, qui l’oblige à réparer l’intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence ». Il s’agit d’une position jurisprudentielle constante. Pour que cette solution déjà bien établie par la Cour de cassation puisse s’appliquer, il est indispensable que les juges du fond opèrent une distinction entre le vendeur professionnel et le vendeur non professionnel. C’est exactement là où le bât blesse. La cassation a été prononcée, pour défaut de base légale, car la Cour d’appel de Pau n’a pas été en mesure de caractériser la qualité de vendeur professionnel de l’exploitant. Pour retenir cette qualité, la cour d’appel de renvoi de Bordeaux devra vérifier si le preneur « se livrait de façon habituelle à la vente d’engins agricoles ».
Ensuite, la Cour de cassation reprend la solution de la chambre mixte pour prononcer sa seconde cassation en rappelant, au visa de l’article 1648, alinéa 1, et 2232 du Code civil, que « l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d’action récursoire, à compter de l’assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie ». Par cette solution, la Cour de cassation confirme que l’action récursoire fondée sur les vices cachés peut intervenir dans le délai-butoir de vingt ans prévu à l’article 2232 et ce, peu importe que la vente soit commerciale ou mixte ou qu’elle ait eu lieu avant 2008.
Une chose est sûre, la garantie légale des vices cachés n’a jamais autant fait parlé d’elle que ces derniers mois !
Dorian GABORY
Sources :
- HELAINE Cédric, « Vices cachés : présomption irréfragable de connaissance du vendeur professionnel et mise en œuvre de l’action récursoire », [en ligne], Dalloz Actualité, février 2024, [consulté en février 2024]. https://www.dalloz-actualite.fr/
- PLANCKAERT Héloïse, « Présomption de connaissance du vice : ne pas confondre professionnel et vendeur professionnel », [en ligne], Revue Droit civil, Lamyline, janvier 2024, [consulté en février 2023]. https://www.lamyline.fr
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