Responsabilité du notaire en cas de manquement à son obligation d’information et de conseil

Article publié le 7 février 2018

 

Le 20 décembre 2017, la première chambre civile de la Cour de cassation s’est exprimée sur l’exigence d’information et de conseil du notaire à l’égard de ses clients en précisant les contours de ce devoir. Cette solution illustre concrètement l’engagement de la responsabilité professionnelle du notaire lorsque son client subi un redressement fiscal dont le fait générateur découle de ses conseils.

En l’espèce, une société civile immobilière (SCI) a acquis un terrain à bâtir pour y faire construire des lots et les vendre. La SCI a ensuite cédé cinq de ces lots par le biais d’actes authentiques. Ces derniers mentionnaient que ces mutations entraient dans le champ d’application des droits d’enregistrement conformément à l’article 257, 7°, 1, a, alinéa 3 du Code général des impôts, comme étant effectuées au « profit de personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectent à un usage d'habitation ».

Pour l’administration fiscale, le vendeur exerçait une activité habituelle de lotisseur et relevait donc de l’impôt sur les sociétés. Par conséquent, elle lui notifia une rectification au titre de la TVA sur la marge, conduisant au recouvrement d’une somme de 47 479 euros.

Le vendeur assigna le notaire en responsabilité et réparation du préjudice subi en raison du manquement à son devoir d’information et de conseil concernant le régime fiscal applicable à ces mutations.

La cour d’appel de Nîmes a exclu toute déficience du notaire à son devoir d’information sur le régime fiscal des ventes. Les juges du fond ont considéré que les manquements du vendeur, à savoir les mauvaises déclarations fiscales qu’il a effectuées, sont à l’origine de son préjudice.

La Haute juridiction est d’un tout autre avis et casse l’arrêt d’appel. Seule sa position concernant la deuxième branche du moyen présente toutefois un intérêt. En effet, la Cour de cassation y énonce que « le notaire est tenu d’informer et d’éclairer les parties, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets, notamment quant aux incidences fiscales, de l’acte auquel il prête son concours ». Son raisonnement contraste avec celui de la cour d’appel dans la mesure où elle retient que les irrégularités de déclaration commises par le vendeur résultent de l’insuffisance d’information transmise par le notaire sur la fiscalité des mutations. Le manquement d’information du notaire est donc à l’origine du dommage subi par le vendeur contrairement à ce qu’avaient retenu les juges du fond. Elle caractérise alors le lien de causalité entre la faute commise par le notaire et le préjudice subi par le vendeur.

Cette solution n’est pas inédite. Il a déjà été admis dans un arrêt du 3 avril 2007[1] que la responsabilité du notaire pouvait être engagée lorsqu’un de ses clients subissait un redressement fiscal dont l’origine découlait du manquement à son obligation de conseils. L’arrêt du 20 décembre 2017 vient donc confirmer une jurisprudence constante en la matière.

Néanmoins, il apporte également des précisions quant à l’étendue de l’obligation d’information du notaire et met l’accent sur la rigueur de cette dernière.

Il en ressort que le notaire est tenu de délivrer une information complète et de conseiller son client. Ainsi, l’obligation va au-delà de la simple information puisque le notaire doit vérifier que les parties ont conscience des conséquences des actes qu’elles sont sur le point de réaliser. L’exigence porte sur le fait que l’information ne doit pas être uniquement communiquée mais doit être claire, précise et adaptée. La Cour de cassation précise que « les conséquences fiscales » doivent être expliquées et cela a été omis en l’espèce. 

L’arrêt rappel à l’ordre les notaires de respecter de façon rigoureuse cette obligation d’information et de conseil à l’égard de leurs clients, même professionnels. Dès lors, il peut paraître indispensable pour les notaires de se ménager une preuve pour attester de la bonne exécution de cette obligation. À défaut, ils verront leur responsabilité engagée.

 

Anaïs MAURICE

 

Sources :

-          Civ. 1ère, 20 décembre 2017, n° 16-13073.

-          Anaïs HACENE, Redressement fiscal : le manquement du notaire à son obligation d’information et de conseil, Dalloz actualité - Civil, 15 janvier 2018, disponible sur www.dalloz-actualite.fr

 

 

 

 

[1] Civ.1ère, 3 avril 2007, n°06-12.831.

Notaire devoir de conseil devoir d'information manquement notariat

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire