Loi immigration et lutte contre les «  marchands du sommeil »

 

( Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration )

Les personnes étrangères en situation irrégulière sont particulièrement vulnérables en matière de logement, car même si elles ne disposent que de faibles ressources, elles ne peuvent accéder à un logement social. L’exploitation de leur besoin de logement constitue l’une des nombreuses sources de revenus illicites liées à l’immigration illégale.

En réponse à cette réalité, la loi « immigration » du 26 janvier 2024 a introduit des mesures visant à lutter contre les bailleurs de logements dangereux ou insalubres, communément dénommés « les marchands du sommeil ». Ces dispositions s’appliquent dès lors que la victime est considérée comme une « personne vulnérable », le législateur ayant pris la décision d’inclure les ressortissants étrangers en situation irrégulière dans cette catégorie.

Ce choix effectué par le législateur est surprenant. Jusqu'à présent, la notion de personnes vulnérables était utilisée en droit civil ou en droit pénal, mais ni le simple fait d'être étranger, ni la situation d'irrégularité n'avaient été considérés comme constituant une situation de vulnérabilité. Habituellement, des conditions supplémentaires telles que la minorité ou l'état de santé étaient nécessaires pour caractériser cet état.

Alors, au milieu d’un texte qui fait le choix de la répression se glissent des avancées en matière de lutte contre l’habitat indigne1.

D’une part, l’article 54 de la loi renforce la sévérité des peines prévues par les articles L 511-22 et L 521-4 du Code de la construction et de l’habitation, qui s’appliquent aux bailleurs de logements indignes, lorsque les victimes sont des étrangers en situation irrégulière.

En vertu de l'article L 511-22-I, le refus délibéré d’exécuter des travaux incombant au bailleur est puni d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 50 000 €. Toutefois, la loi « immigration» ajoute que cette peine est portée à deux ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende lorsque la victime est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière.

L'article L 511-22-II prévoit deux ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende en cas de non-respect de la mise en demeure concernant la sur-occupation des locaux. La loi "immigration" élève cette peine à trois ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende lorsque la victime est un ressortissant étranger en situation irrégulière.

De même, l'article L 511-22 III du Code de la construction et de l’habitation prévoit qu’est puni de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 100 000 € le fait de dégrader intentionnellement des locaux dans le but d’en faire partir les occupants ainsi que le non-respect délibéré d'une interdiction d'habitation. La loi "immigration" porte ces peines à cinq ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende.

L'article L 521-4 du Code de la construction et de l’habitation sanctionne de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 100 000 € diverses infractions, telles que la contrainte exercée sur un occupant pour renoncer à ses droits ou la perception illégale de loyers. La loi « immigration » durcit ces sanctions à cinq ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende.

Selon le Conseil d’Etat, ces sanctions pénales sont de portée limitée, ce qui soulève des difficultés d'application et suscite des interrogations sur leur contribution effective à la répression des infractions mentionnées.

D’autre part, l'article 55 de la loi prévoit l'octroi d'une carte de séjour temporaire "vie privée et familiale", d'une durée d'un an, aux ressortissants étrangers en situation irrégulière engagés dans une procédure pénale contre leur bailleur. Cette carte peut être renouvelée pendant toute la durée de la procédure. Cette mesure est motivée par le constat que les ressortissants étrangers en situation irrégulière hésitent à déposer plainte de crainte de perdre leur logement.

Eva THEBAULT.


 


 

SOURCES :

- Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration

- Conseil d’état, Avis sur un projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, 1 février 2023. Disponible sur Avis sur un projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (conseil-etat.fr)

- Y. Rouquet, Loi « immigration » et habitat indigne, Dalloz Actualité, 1 février 2024. Disponible sur Loi « immigration » et habitat indigne - Immobilier | Dalloz Actualité (dalloz-actualite.fr)


 

 

 

 

 

 

 

 

1L’habitat indigne est définit par l’article 225-4 du Code pénal comme «  toute situation d’habitat portant atteinte et contraire à la dignité humaine ».

 
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