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La mention manuscrite du contrat de cautionnement : précisions jurisprudentielles et légales
- Par jurisactuubs
- Le 22/01/2024
- Dans Droit des sûretés
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Article publié le 19 février 2017
La mention manuscrite de la caution fait depuis peu l’objet de nombreuses précisions, tant jurisprudentielles que légales.
Le contrat de cautionnement impose un formalisme très lourd, notamment par le biais de la mention manuscrite qui est une condition ad validitatem de ce contrat. Cette dernière est imposée d’une part par l’article L331-1 du Code de la consommation qui dispose que « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite […] » ; et d'autre part par l'article 1326 du Code civil. Plusieurs arrêts ont été rendus durant le mois de janvier concernant la mention manuscrite :
Une durée de l’engagement contradictoire
Par un arrêt rendu le 31 janvier 2017[1], la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser un point sur la durée stipulée dans la mention manuscrite du contrat de cautionnement. En l’espèce, une personne physique s’était portée caution solidaire d’une société auprès de la banque. A la suite de la liquidation judiciaire de cette société, la banque a assigné la caution en paiement. La caution a voulu se défaire de ses obligations en invoquant la nullité du contrat puisqu’il existait dans ce dernier une contradiction sur la durée de l’engagement de la caution. En effet au sein du même contrat il y avait deux mentions manuscrites qui engageaient la caution pour deux durées différentes.
La Cour de cassation a rejeté la demande de la caution en estimant que dès lors qu’il y avait une mention manuscrite qui était conforme aux dispositions légales, le contrat de cautionnement était valable. Toutefois elle a estimé que c’était la mention la plus favorable à la caution qui l’emportait : celle dont la durée était la plus courte.
Cet arrêt n’est pas novateur en ce qu’il s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence rendue en la matière. En effet depuis plusieurs années, les juges du droit ne retiennent pas une simple erreur, incohérence ou oubli dans la mention manuscrite comme raison suffisante pour les cautions de ne pas satisfaire leurs engagements.
Une mention manuscrite en chiffres et en lettres
Dans cette affaire, la caution considérait que le contrat de cautionnement souscrit envers une banque était nul puisque la mention manuscrite ne respectait par l’article 1376 du Code civil. En vertu de cet article, la mention manuscrite doit comporter la somme en toutes lettres et en chiffres. Aussi dans l’espèce la mention manuscrite contenait seulement la somme rédigée en chiffres.
La chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 janvier 2017[2], a considéré que l’engagement de la caution n’était pas vicié du fait qu’il manquait l’inscription de la somme en toutes lettres. En effet, les juges du droit estiment que le contrat de cautionnement conclu auprès d’un professionnel répond aux exigences de l’article L331-1 du Code de la consommation qui lui, n’impose pas une rédaction en lettres et en chiffres, seul l’un des deux suffit. Par conséquent la caution reste tenue de son engagement.
Cette solution était à prévoir puisqu'il s’agissait ici d’un contrat de cautionnement envers un professionnel, autrement dit un contrat soumis au droit de la consommation et donc à l’article L331-1 du Code de la consommation. L’avocat de la défense aurait pu anticiper cette solution notamment avec l’adage « specialia generalibus derogant » selon lequel les règles spéciales l’emportent sur les règles générales.
Le cautionnement de loyer par les personnes morales
La loi du 27 janvier 2017 relatives à l'égalité et à la citoyenneté[3] est venue supprimer l’exigence d’une mention manuscrite d’un contrat de cautionnement lorsque ce dernier est souscrit par une personne morale pour le loyer. En effet au sein de l’article 121 de cette loi dispose que « La personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision […]. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement » On en déduit donc que les personnes morales sont exemptées de cette mention. On peut considérer que cette disposition s’aligne sur le droit de la consommation qui impose la mention manuscrite aux seules personnes physiques.
Elodie PADELLEC
Bibliographie :
Com., 31 janvier 2017, n°15-15.890
Com., 18 janvier 2017, n°14-26.604
Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté
AVENA-ROBARDET. V, « Formalisme du cautionnement : des chiffres et des lettres ».- Dalloz actualité.15 février 2017.
AVENA-ROBARDET. V, « Cautionnement : mentions manuscrites contre mentions manuscrites ».-Dalloz actualité, 15 février 2017.
MARRAUD DES GROTTES. G, « Cautionnement : forte actualité sur les mentions manuscrites ».-Lamyline actualité.8 Février 2017.
MAURIES. V, « Cautionnement : contradiction entre deux dates dans les mentions manuscrites ».-Lamyline actualité.8 Février 2017.
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L’ARJEL s’exprime sur les interdictions et limitations de parier
- Par jurisactuubs
- Le 22/01/2024
- Dans Droit de la consommation
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Article publié le 20 janvier 2018
Le 23 novembre 2017, l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) a répondu à la question suivante : un opérateur de paris sportifs peut-il refuser de contracter avec un parieur ou limiter le montant de ses mises sur un pari ?
Pour répondre à cette question, l’ARJEL a examiné deux séries de règles :
- la loi du 12 mai 2010 modifiée relative à l’ouverture, la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
- le Code de la consommation.
Dans un premier temps, à travers la loi de 2010, l’ARJEL a dégagé des interdictions de parier quand le parieur présente une qualité déterminée. On trouve par exemple, les mineurs même émancipés, les personnes interdites de jeux, ou encore les personnes s’excluant temporairement ou définitivement, précision faite que la suspension ne vaut que sur le site de l’opérateur où elle a été réalisée.
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Com., 1er mars 2017 : Rappel de l’exigence d’une altération du comportement économique du consommateur
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- Le 22/01/2024
- Dans Droit de la consommation
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Article publié le 15 mars 2017
Les pratiques commerciales déloyales ont une importance considérable dans le droit de la consommation. En effet grâce à leur introduction dans le droit français par la loi LME de 2008[1], les consommateurs disposent d’un moyen de protection efficace contre le professionnel. A cet égard, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 1er mars 2017 un arrêt rappelant certains points afin qu’une pratique commerciale trompeuse puisse être condamnée.
En l’espèce, une société, Léa Laboratoire, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de cosmétique, vendait des savons d’Alep qu’elle se procurait par le biais de la société Najjar. Aussi, la société Léa laboratoire ayant mis fin aux relations commerciales avec la société Najjar, a commercialisé un savon dit « Savon tradition Alep » qu’elle se procurait en Tunisie.
La société Najjar l’a donc assigné en justice pour cause de concurrence déloyale en raison de pratiques commerciales trompeuses.
En effet cette dernière arguait d’une part que le savon dit « Savon Tradition Alep » était produit en Tunisie et non pas en Syrie, ce qui induisait par conséquent le consommateur en erreur. D’autre part, elle estimait que les nouveaux savons produits en Tunisie ressemblaient fortement aux savons qu’elle vendait auparavant à l’entreprise (emballage, inscription etc.)
A cet égard, la cour d’appel de Lyon a donné raison à la société Najjar et a ordonné l’interdiction de la commercialisation de ce produit sous la dénomination "savon tradition Alep", le rappel du savon commercialisé sous cette dénomination des circuits commerciaux et son retrait du site internet ainsi que la destruction des packagings du savon reproduisant la mention "savon tradition Alep"
La société Léa Laboratoire a donc formé un pourvoi en cassation. Elle estimait qu’il n’y avait pas de pratiques commerciales trompeuses puisque le savon d’Alep d’une part ne faisait pas l’objet d’une appellation d’origine protégée ou contrôlée, et d’autre part que le comportement du consommateur n’était pas induit en erreur du fait qu’il était inscrit sur l’emballage du savon « made in Tunisie ». Enfin elle estimait que le produit ne pouvait pas faire l’objet d’une pratique commerciale trompeuse puisque ce dernier était fabriqué avec les mêmes composants et de la même façon que le véritable savon d’Alep.
Face à ces arguments, la Cour de cassation a estimé « qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si les éléments qu'elle avait retenus altéraient ou étaient de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. » Les juges du droit ont donc cassé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon et renvoyé les parties devant cette même cour autrement composée afin que soit caractérisée ou non l’altération du comportement économique du consommateur.
Cette solution est sans surprise puisque cette jurisprudence est constante depuis 2013. En effet, avant 2013, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) avait consacré le principe d’autonomie des pratiques commerciales agressives et trompeuses face à la « notion-mère » de pratique déloyale. Toutefois la Cour est revenue sur sa position par un arrêt rendu le 19 décembre 2013[2] et a considéré qu’une pratique commerciale trompeuse suppose que cette dernière soit déloyale et altère ou est susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur. Il s’agit donc ici seulement d’un rappel de la part des juges du droit.
Elodie PADELLEC
Sources :
Com., 1er mars 2017, n°15-16.988
[1] LOI n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie
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Feuille de route relative à l’appréciation de la qualité de non-professionnel d’une personne morale
- Par jurisactuubs
- Le 22/01/2024
- Dans Droit des contrats
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Article publié le 13 janvier 2020
Comment apprécie-t-on la qualité de non-professionnel d’une personne morale ?
C’est sur cette question que s’est penchée la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 17 octobre 2019[1].
En l’espèce, une SCI qui a pour activité la location de biens immobiliers, avait conclu avec une société de construction, un contrat de travaux d’édification d’un hangar. Après expertise attestant l’existence de plusieurs désordres affectant le bâtiment, la SCI a assigné le constructeur en indemnisation du préjudice résultant desdits désordres. Le constructeur lui a alors opposé une clause limitative de responsabilité figurant dans les conditions générales de marché. En retour, la SCI lui avait opposé le caractère abusif de cette clause, en se prévalant de sa qualité de non-professionnel.