Articles de jurisactuubs

  • Les agents de la DGCCRF peuvent saisir certaines correspondances avocat-client

    Article publié le 08 février 2021

     

    Dans un arrêt en date du 25 novembre 2020 (Cass. crim. 25-11-2020 n° 19-84.304), la chambre criminelle de la cour de cassation énonce que lentreprise qui subit une perquisition informatique par des agents de la DGCCRF ne peut demander le retrait des correspondances échangées avec son avocat que si elle prouve quelles sont liées à lexercice de ses droits de défense.

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  • Délit d'entrave : La suppression partielle de la peine d'emprisonnement

    Article publié le 29 septembre 2016

     

    La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 26 janvier 2016, n°13-82.158, est venue consacrer une des prescriptions de la loi MACRON en matière de délit d’entrave en supprimant, pour partie, la peine d’emprisonnement réservée pour la sanction de cette infraction.

    Ayant pour objectifs d’accroitre la compétitivité économique de la France et la création d’emplois, la loi n°2015-990 du 6 août 2015, plus communément appelée « loi MACRON », pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, est venue modifier l’article L.2328-1 du Code du travail en remplaçant les peines pénales sanctionnant la commission de cette infraction par des sanctions financières.

    Conformément à l’article L.2328-1 du Code du travail anciennement rédigé, « le fait d'apporter une entrave soit à la constitution d'un comité d'entreprise, d'un comité d'établissement ou d'un comité central d'entreprise, soit à la libre désignation de leurs membres, soit à leur fonctionnement régulier, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros ».

    Depuis l’entrée en vigueur de la loi Macron, en date du 8 août 2015, seul le fait d’apporter une entrave à la constitution d’un comité d’établissement, d’un comité d’établissement ou d’un comité central d’entreprise ou à la libre désignation de leurs membres peut être sanctionné d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500€. Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est désormais seulement sanctionné par une peine d’amende de 7 500 €.

    Par un arrêt en date du 26 janvier 2016, la Cour de cassation a pour la première fois depuis son entrée en vigueur, fait application de la loi MACRON en supprimant la peine privative de liberté qui avait été retenu contre les auteurs d’un délit d’entrave.

    En l’espèce, deux dirigeants d’une société ont été condamnés à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et au paiement d’une amende de 3 750€ pour entrave au fonctionnement du comité d’entreprise par la Cour d’appel de Reims. Ces derniers ont alors formé un pourvoi en cassation afin d’obtenir l’annulation de cette décision. Au visa des articles 112-1 du Code pénal et L.2328-1 du Code du travail, les juges du droit ont annulé la peine privative de liberté retenue à l’encontre des deux protagonistes « par application des dispositions moins sévères de la loi nouvelle aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée » ; la peine d’amende a, quant à elle, été maintenue.

    Cette solution visant à privilégier des peines financières plutôt que des peines pénales, consacrée par la loi du 6 août 2016, a été portée par le Président de la République, ayant pointé les failles des sanctions prévues pour le délit d’entrave lors de l’un de ses discours. En effet, selon François Hollande, les peines pénales sanctionnant le délit d’entrave n’étaient que rarement prononcées puisque très sévères et disproportionnées. Il était donc légitime que ces peines soient supprimées.

    En l’espèce, la loi MACRON a supprimé partiellement la peine d’emprisonnement puisque désormais réservée aux entraves les plus graves.

    Pour compenser cette suppression, le législateur a augmenté la peine d’amende en la faisant passer de 3 750 à 7500€ pour tous les comportements réprimés par l’article L.2328-1 du Code du travail. En vertu du principe de rétroactivité in mitius, ces dispositions ont pu s’appliquer aux faits de l’espèce, antérieurs à son entrée en vigueur, puisqu’elles ont été jugées moins sévères que l’état du droit antérieur en la matière.

    Cette modification des sanctions du délit d’entrave est le signe d’une difficulté qui se rencontre depuis quelques années en matière pénale : assurer l’efficacité des peines. Considérant que la peine d’emprisonnement n’était pas la peine la plus adaptée pour ce genre d’infraction, le législateur privilégie une sanction frappant le protagoniste dans son patrimoine. Telle est, aujourd’hui, la ligne directrice en la matière. 

     

    Marie CALLOCH

     

    Sources :

    - Arrêt chambre criminelle de la Cour de cassation du 26 janvier 2016 n°13-82.158

    - Loi « MACRON » du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques »

    - Jean SIRO « Délit d’entrave : première application de la loi Macron par la Cour de cassation », Dalloz Actualité

  • Tweeter 4 fois par jour sur son lieu de travail pour le compte d'une autre entreprise, n'est pas une faute.

    Article publié le 09 mars 2016

     

    Le 25 février 2016 la Cour d'Appel de Chambéry (1) rendait sa décision concernant le licenciement pour faute d'un salarié tweetant 4 fois par jour. Pour elle, l'envoi de ces tweets pendant les heures de travail, ne constitue pas un usage excessif de l'outil de travail mis à disposition par l'employeur.

    Dans cette affaire, le salarié concerné, depuis son entrée dans la société, a effectué plus 1300 tweets pour le compte d'une entreprise dont il est actionnaire.

    La Cour d'Appel a établit que ces tweets n'avait demandé que quelques minutes par jour au salarié (entre 3 et 4 minutes). Elle a ainsi considéré que le fait d'avoir pu consacrer un temps aussi limité à l'envoi de tweets non professionnels, y-compris à des horaires communément retenus comme travaillés, alors que le salarié était en raison de ses fonctions, connecté à internet de manière quasi continue, ne pouvait être retenu comme un comportement fautif.

    Aujourd'hui, un employeur ne peut interdire l'utilisation d'internet à titre personnel pendant les heures de travail.

    D'ailleurs, la CNIl a affirmé qu'une interdiction absolue n'était pas réaliste. Cependant elle préconise tout de même une utilisation raisonnable en ce qui concerne sa durée et les sites visités. Cette utilisation doit de surcroit, être en accord avec les principes de l'ordre public et de bonnes mœurs. (2) 

    La Cour de Cassation a elle aussi eu l'occasion dans son rapport annuel de 2005, d'affirmer que « l’utilisation personnelle raisonnable [des postes informatiques professionnels] est socialement et sociologiquement admise » (3) 

    Aussi, comme certains le font remarquer (4) une interdiction générale de toute utilisation privative d'internet pourrait être remise en cause sur le fondement de l'article L.1121-1 du code de travail qui dispose que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

    Il découle de l'autorisation de l'usage raisonnable d'internet, qu'un usage abusif ou illicite sera constitutif d'une faute et pourra justifier un licenciement. C'est du reste la position adoptée mainte fois par la Cour de Cassation. Elle a ainsi pu juger que constituait une faute, le fait pour un salarié de rester connecté, à des fins personnelles, plus de 40 heures dans le mois (5) ou encore, le fait d'être connecté la plupart de son temps de travail sur des sites à caractère pornographique et zoophile. (6) 

    En l'espèce, on peut aisément comprendre la solution des magistrats de la Cour d'Appel de Chambéry dans le sens où le comportement du salarié ne justifie pas un licenciement pour faute grave. En effet, on ne parle ici que d'une vingtaine d'heures d'utilisation d'internet pour un profil personnel sur une période d'un an et demi. Il n'y a donc pas utilisation abusive. On ne peut non plus, considérer le fait de tweeter pour le compte d'une autre entreprise comme une utilisation illicite.

    Toutefois, ne devrait-on pas considérer que s'occuper de la communication d'une société différente pendant son temps de travail, s'oppose directement à l'obligation générale d'exécuter le contrat de travail de bonne foi ? (Article L.1222-1 du Code de travail)

    Lucie PARIS

    Sources :

    (1) CA Chambéry, 25 février 2016, n° 2015/01264.

    (2) Rapp. CNIL, mars 2001 Rapp. CNIL, févr. 2002.

    (3) Cour de cassation, Rapport annuel 2005, p. 111.

    (4) C. FLEURIOT « Utilisation d'internet dans l'entreprise : cadre juridique » Dalloz Actualité, 18 novembre 2011.

    (5) Cass. soc., 18 mars 2009, n° 07-44247.

    (6) Cass. soc., 23 novembre 2011, n° 10-30833.

  • Un nouveau motif de discrimination fait une entrée dans le Code pénal et dans le Code du travail

    Article publié le 23 janvier 2017

     

    Le législateur a ressenti la nécessité de protéger les personnes maîtrisant d'autres langues que le français, en insérant une nouvelle discrimination dans le Code pénal et dans le Code du travail : la discrimination linguistique. En effet, l'article 86 de la loi Justice du XXIème siècle est venu modifier l'article 225-1 du Code pénal et l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 pris en référence dans l'article L1132-1 du Code du travail. Désormais, toute distinction faite entre deux personnes en raison de « leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français » constitue une discrimination pénalement répréhensible. Plusieurs interrogations sur cet ajout surviennent alors, notamment sur son champ d'application, son utilité et sa mise en oeuvre.

     

    A la lecture des articles ainsi modifiés, on peut se demander à quoi correspond concrètement une discrimination linguistique. Plusieurs interprétations sont ici possibles. Le mot sujet à réflexion est « capacité ». Qu'entend donc le législateur en précisant une personne capable de parler une autre langue que le français ? Faut-il comprendre une personne dont la langue maternelle est le français et qui ne peut s'exprimer dans une autre langue ? Ou bien une personne qui maîtriserait, en plus du français, d'autres langues vivantes ? Le champ d'application est ici assez flou. L'interprétation qui serait la plus plausible serait celle de la volonté du législateur de protéger les personnes, ne maîtrisant pas le français mais une autre langue, d'être discriminées. Cette modification serait alors une mise à mal de la suprématie de la langue française, de sa détermination comme seule langue acceptable.

     

    Cette atteinte voulue à la domination du français s'inscrit dans un contexte de défense des langues régionales et étrangères. Pour le linguiste Philippe Blanchet, cette discrimination linguistique porte un nom, celui de la glottophobie1. Ce terme signifie le rejet d'une personne pour sa manière de parler alors qu'il s'agit d'un attribut à part entière de chacun et qui, à ce titre, se doit d'être protégé. Si le sociolinguiste se réjouit de cette révolution, d'autres y voient une redondance non pertinente. Pour ces derniers, la langue parlée peut renseigner sur l'origine de la personne ainsi que sur sa culture. Or, ces motifs de discrimination sont déjà pris en compte dans le Code du travail. L'interdiction de discriminer en raison de l'origine de la personne comprendrait implicitement les discriminations linguistiques et serait alors suffisante. Sur le plan pénal, l'apparition de nouveaux contentieux est mise en avant. Un litige pourrait en effet porter sur le caractère essentiel et déterminant de la maîtrise d'une langue dans une offre d'emploi par exemple.

     

    Par ailleurs, une précision quant à son application doit être mentionnée. L'article 86 de la loi Justice du XXIème siècle introduit cette discrimination au sein de son Chapitre III consacré à l'action de groupe en matière de discrimination. Ainsi, une association de défense contre les discriminations peut agir en justice, sous réserve de respecter les conditions de ladite action. Autre interrogation qui doit être également mise en exergue : celle de l'interprétation des juges. Premier pas dans la défense des droits linguistiques, il appartient désormais aux juges d'apprécier les contours de cette nouvelle discrimination. Un sujet dont on peut légitimement penser qu'il fera encore parler de lui.

     

     

    Lucie TALET

     

    Sources :

     

    1Philippe Blanchet, « Discriminations : combattre la glottophobie », Petite édition critique, Edition Textuel, janvier 2016.

     

     

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