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L’admission de la connaissance du vice du contrat conclu hors établissement : revirement de jurisprudence en faveur du consommateur
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- Le 22/04/2024
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Civ. 1ère, 24 janv. 2024, n° 22-16.115
Dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 24 janvier 2024, la Cour de cassation précise les modalités d’admission de la connaissance du vice du contrat conclu hors établissement par le consommateur.
En l’espèce, par contrat conclu hors établissement en date du 7 avril 2016, un acquéreur a commandé auprès de la société venderesse, la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, financés par un crédit souscrit le même jour auprès d’une banque.
L’acquéreur a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat principal et du crédit affecté pour irrégularités du bon de commande.
La cour d’appel[1] retient que l’acquéreur n’avait eu connaissance du vice affectant le formalisme du bon de commande au moment de la souscription du contrat ou de son exécution. Par conséquent, elle juge que l’acte était entaché de nullité et qu’aucune confirmation de la part de l’acquéreur ne pouvait être caractérisée en l’espèce.
Le professionnel s’est alors pourvu en cassation en arguant que l’interprétation des juges du fond, des conditions de la confirmation tacite du contrat conclu hors établissement, n’était pas la bonne.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et retient exceptionnellement que la simple mention des dispositions du Code de la consommation relatives à la nullité du contrat pour vice de forme dans les conditions générales de vente ne suffit pas à considérer que le consommateur ait eu connaissance desdits vices. Dès lors, l’exécution du contrat ne suffit pas à confirmer le contrat. Il ne s’agit donc pas d’une confirmation tacite du contrat.
Il dépend des juges du fond de relever les circonstances permettant de justifier la connaissance du vice par le consommateur dans une appréciation au cas par cas. Le juge peut particulièrement appuyer son appréciation sur les nouvelles dispositions de l’article 1183 du Code civil instaurant la possibilité pour le professionnel d’envoyer une demande de confirmation au consommateur, en ce qui concerne les contrats conclus postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016. La Cour précise qu’il est préférable de viser une uniformisation de ce régime de confirmation.
En effet, auparavant la Haute juridiction avait toujours retenu le contraire. Ainsi, l’exécution volontaire par le consommateur du contrat conclu hors établissement, malgré cette connaissance, entraînait jusque-là la confirmation dudit contrat malgré sa nullité pour vice de forme[2]. Cette solution était adoptée dans le but de faire prendre conscience à l’acquéreur de ses obligations et notamment celles résultant du contrat de crédit affecté, qui est un acte important.
Cette solution s’applique désormais aux contrats conclus antérieurement et postérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016.
La Cour de cassation consacre aujourd’hui un avantage aux consommateurs, qui sont dans la plupart du temps, profanes en la matière et qui signent souvent un bon de commande sans s’informer des informations fournies en petits caractères. Cette décision alerte sur une protection accrue du consommateur et sur la vigilance que doit maintenant adopter les professionnels. Toutefois, par exception, le juge peut relever des indices permettant de considérer que le consommateur a été informé, notamment par l’envoi d’une demande de confirmation par le professionnel.
Les praticiens du droit de la consommation devront alors rapidement appliquer ce revirement de jurisprudence, au pied de la lettre, afin d’éviter d’éventuelles discordes.
Léna RABILLARD
SOURCES :
- « L’admission de la connaissance du vice du contrat conclu hors établissement : revirement de jurisprudence en faveur du consommateur », (en ligne), Lexis 360, 05 février 2024, (consulté le 6 février 2024)
-« Contrat hors établissement (nullité) : conditions de la confirmation tacite », (en ligne), Recueil Dalloz 2024, 24 janvier 2024, p.165, (consulté le 6 février 2024)
-NASOM-TISSANDIER H., « La confirmation tacite d’un contrat conclu hors établissement : un revirement favorable aux consommateurs », (en ligne), Le Quotidien du 1 février 2024 : Consommation, Lexbase, 01 février 2024, (consulté le 8 février 2024)
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Violation temporaire de la clause de non concurrence : privation définitive de la contrepartie financière
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- Le 19/04/2024
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( Soc, 24 janvier 2024 n°22-20.926)
Le 24 janvier 2024, la Cour de cassation a confirmé que la violation de la clause de non-concurrence exclut le droit du salarié au versement de la contrepartie financière, même après la fin de la violation.
En l’espèce, le 11 janvier 2018, un salarié travaillant en tant que technico-commercial pour le compte d’une société, avec une clause de non-concurrence intégrée à son contrat de travail, décide de démissionner. Par la suite, il est recruté par un concurrent, mais son contrat est finalement rompu pendant la période d’essai.
L’employeur, considérant que cette seconde embauche constitue une violation de la clause de non- concurrence, assigne son ancien salarié, devant les juridictions prud’homales. Il demande l’interdiction pour le salarié de lui faire concurrence et réclame le paiement de certaines sommes d’argent. De son coté, le salarié cherche à obtenir le versement de la contrepartie financière prévue par la clause de non- concurrence.
Par un arrêt en date du 24 juin 2022, la Cour d’appel de Douai1 constate la violation de la clause de non- concurrence. Toutefois, étant donné que le salarié a mis fin à sa période d’essai, la Cour estime que la violation n’a duré que six mois. Après la période d’essai, aucune infraction n’étant caractérisée, l’employeur redevient donc débiteur de la contrepartie financière.
L’employeur forme un pourvoi en cassation en soutenant que la violation, même temporaire, de la clause de non-concurrence exclut de manière définitive le droit du salarié à la contrepartie financière.
La Cour de cassation censure les chefs du dispositif de l’arrêt condamnant l’employeur à payer au salarié des sommes à titre de solde d’indemnité de non-concurrence. La Haute juridiction rappelle que la violation de la clause de non-concurrence ne permet pas au salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause, même après la cessation de sa violation.
Cette solution n’est pas nouvelle, la Cour de cassation ayant déjà jugé que « la violation par le salarié de la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis ne lui permettrait plus de prétendre au bénéfice de l’indemnité convenue, contrepartie d’une obligation à laquelle il s’est soustrait, quand bien même la violation aurait cessé2. »
Cette solution pourrait trouver sa justification sur le fondement de l’exception d’inexécution, permettant à l’employeur de suspendre le versement de la contrepartie financière lorsque le salarié viole son obligation de non-concurrence. Cependant, l’exception d’inexécution n’est qu’une sanction temporaire, car une fois que l’exécution redevient possible, la contrepartie est à nouveau exigible.
En réalité, cette solution découle de la nature de l’obligation de non-concurrence, qui est une obligation de ne pas faire, et dont l’inexécution est nécessairement définitive. Même si le salarié, après avoir violé la clause de non-concurrence, se conforme ultérieurement à son engagement, son inexécution justifie la suppression de la contrepartie financière et peut éventuellement entraîner la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle.
Cette décision renforce la portée dissuasive de l’obligation de non-concurrence en soulignant que le salarié enfreignant une telle clause, même pour une période limitée, perd tout droit au versement de la contrepartie financière associée.
Eva THEBAULT.
SOURCES :
- Soc, 24 janvier 2024 n°22-20.926
- A. NIVERT, Fin de la clause de non-concurrence rime toujours avec la fin du droit à la contrepartie financière, Dalloz Actualité, 30 janvier 2024. Disponible sur : Fin de la violation de la clause de non-concurrence rime toujours avec fin du droit à la contrepartie financière - Social | Dalloz Actualité (dalloz-actualite.fr)
- T. RUCKEBUSCH, La violation de l’interdiction de concurrence libère l’employeur du versement de la contrepartie, quand bien même elle aurait cessé, Lexisnexis, 24 janvier 2024. Disponible sur : La violation de l'interdiction de concurrence libère l'employeur du versement de la contrepartie, quand bien même elle aurait cessé | Lexis Veille
1 Cour d’appel de Douai 24 juin 2022 n°20/01324
2 Soc, 3 mars 1993 n°88-43.820
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La nouvelle loi sur le traitement des situations de surendettement s’applique aux instances en cours.
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- Le 19/04/2024
- Dans Droit des affaires
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(Civ. 2e., 8 févr. 2024, n°22-18.080)
Par un arrêt de cassation en date du 8 février 2014, publié au bulletin et aux lettres de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle un principe traditionnel en matière d’application de la loi dans le temps, selon lequel, la loi entre en vigueur à la date fixée ou, en l’absence de précision, le lendemain de sa publication au Journal officiel.
En l’espèce, le représentant légal de créanciers professionnels a formé un recours contre la décision d’une commission de surendettement des particuliers qui a déclaré recevable la demande du débiteur pour le traitement de sa situation financière.
Par un jugement en date du 11 avril 2022 rendu en premier et dernier ressort, le tribunal judiciaire de Valence déclare le débiteur irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement. Le juge des contentieux de la protection retient que l’article L. 711-1 du Code de la consommation interdit la prise en compte des dettes professionnelles pour l’appréciation de la situation de surendettement.
Le particulier se pourvoit en cassation.
Au visa de l’article 1er, 2 du Code civil et l’article L.711-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de l’article 10 de la loi n°2022-172 du 14 février 2022, la Cour de cassation casse et annule le jugement.
Elle relève d’office, sur le fondement de l’article 620 du Code de procédure civile, un moyen de pur droit tiré de l’application de la loi dans le temps de l’article L.711-1 du Code de la consommation.
La Cour de cassation relève que la loi du 14 février 2022, publiée au Journal officiel le 15 février 2022, ne contient aucune disposition transitoire concernant son article 10. Par conséquent, ce texte entre en vigueur à partir du 16 février 2022.
Avant cette date, seules les dettes non-professionnelles étaient prises en compte pour évaluer la situation financière du débiteur qui sollicitait le traitement de sa situation de surendettement auprès de la Banque de France. C’est précisément en se fondant sur le texte antérieur que le tribunal de Valence a refusé d’admettre le débiteur à la procédure du surendettement.
Cependant, la réforme du statut de l’entrepreneur individuel, adoptée le 14 février 2022, a considérablement élargi les critères d’éligibilité au surendettement des particuliers. Désormais, les dettes professionnelles entrent également en ligne de compte dans l’analyse financière du demandeur, suite à la modification de l’article L.711-1 du Code de la consommation. Ce changement majeur se répercute sur de nombreux particuliers jusqu’alors exclus de ce dispositif de protection.
La question de l’application de la loi se pose alors pour le tribunal, étant donné que le jugement a été rendu le 11 avril 2022 et que les débats ont eu lieu « antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 14 février 2022 ».
Les magistrats du Quai de l’Horloge rappellent les principes fondamentaux du droit transitoire énoncés par le titre préliminaire du Code civil aux articles 1 et 2. Selon ces principes, une loi entre en vigueur à la date fixée par elle-même ou, à défaut, au lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française.
Malgré le fait que l’instance ait débuté avant la promulgation de la loi, l’article 2 du Code civil impose que la loi nouvelle s’applique immédiatement, même en cours de procédure judiciaire, pour des situations non contractuelles.
Ainsi, pour la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le moment où les débats ont eu lieu importe peu.
Dorian GABORY
Sources :
- HELAINE Cédric, « Droit transitoire et prise en compte des dettes professionnelles en matière de surendettement », [en ligne], Dalloz actualité, février 2024, [consulté en février 2024]. https://www.dalloz-actualite.fr/
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La détermination de la prépondérance des revenus issus de l’activité de location de meublés permettant l’exonération à l’ISF
- Par jurisactuubs
- Le 16/04/2024
- Dans Droit fiscal
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Cass.com., 20 décembre 2023, n°22-17.612, publié au bulletin
Dans un arrêt de rejet en date du 20 décembre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation affirme que la condition de prépondérance des revenus tirés d’une activité locative de meublés s’apprécie en fonction des BIC[1] nets annuels dégagés et non des recettes brutes tirées de l’activité.
En l’espèce, l’administration fiscale notifie à un couple le 8 mars 2019, une proposition de rectification au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les années 2015, 2016 et 2017, portant réintégration dans l’assiette imposable des immeubles d’habitation qu’ils louaient meublés. La raison avancée par l’administration étant que ces immeubles ne constituent pas des biens professionnels exonérés au sens de l’article 885 R ancien du Code général des impôts, car l’activité locative durant ces années a généré un bénéfice imposable nul ou déficitaire. Par conséquent, ces revenus ne peuvent pas représenter plus de 50% des revenus professionnels de leur foyer fiscal.
Les contribuables estiment que la condition de prépondérance des revenus tirés de l’activité de location de meublés par rapport aux autres revenus du foyer fiscal doit s’apprécier en fonction des recettes brutes tirées de l’activité de location meublée professionnelle, et non du bénéfice net dégagé par cette activité. Après le rejet de leur réclamation contentieuse, ils assignent l’administration fiscale en annulation de la décision et en décharge des rappels d’imposition mis en recouvrement.
Le 12 avril 2022, la Cour d’appel de Besançon rejette les demandes car il résulte de l’article 885 R du CGI, que l’ensemble des recettes tirées de la location des meublés du couple doivent être prises en compte pour apprécier le seuil légal de 23 000€. Mais selon les juges, la notion de revenus doit être distinguée de celle des recettes. En effet, les revenus correspondent aux sommes effectivement perçues par les contribuables, ce qui ne peut s’interpréter comme des revenus équivalents au chiffre d’affaires des locations de meublés.
Les contribuables forment un pourvoi en cassation. Au terme de la troisième et unique branche retenue par la Cour de cassation, ils estiment que selon l’article 885 R du CGI, l’activité locative de meublés est exercée à titre professionnelle et ne rentre pas dans l’assiette de l’ISF. En réalisant plus de 23 000€ de recettes annuelles et retirant de cette activité plus de 50% des revenus professionnels à raison desquels le foyer fiscal est soumis à l’impôt sur le revenu, il convient alors de retenir les recettes brutes et non le résultat net dégagé par cette activité après déduction des charges.
Le problème posé par cette affaire est de savoir comment s’apprécie le caractère prépondérant du revenu qui permet l’exonération à l’ISF. Autrement dit, l’assiette imposable des revenus tirés de l’activité de location de meublés se calcule-t-elle sur les recettes brutes ou sur les bénéfices nets dégagés annuellement ?
La Cour de cassation se fonde également sur l’article 885 R ancien du CGI et confirme partage la position des juges du fond. La condition de prépondérance des revenus tirés de l’activité de locations de meublés est caractérisée non pas par les recettes tirées de cette activité professionnelle, mais bien par le bénéfice industriel et commercial net annuel dégagé. Cela permet la comparaison avec l’ensemble des revenus professionnels du foyer fiscal, y compris les bénéfices de la location.
C’est une solution pragmatique qui est rendue car elle permet de comparer les revenus tirés de la location de meublés et des autres revenus d’un même foyer fiscal. Les recettes s’entendent comme le montant directement perçu au titre de l’activité, sans connaitre la déduction de charges et d’abattements. Admettre ainsi les recettes reviendrait économiquement et mécaniquement, à favoriser les modes d’exonérations.
Cette interprétation des juges figure également au Bofip[2] au sujet de l’IFI[3], et l’article régissant[4] cet impôt récent a repris les formulations de l’article 885 R. La solution ne manque toutefois pas de poser des questions en raison de la comparaison et l’utilisation contestable des termes « revenus » et « recettes » au sein des articles du Code et entre les notions d’IFI et d’impôt sur le revenu des personnes physiques[5].
Quentin SCOLAN
[1] Bénéfices industriels et commerciaux.
[2] BOI-PAT-IFI-30-10-10-10 §60.
[3] L’impôt sur la fortune (ISF) a été replacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) depuis la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017.
[4] CGI, Art. 975.
[5] Florian LAUSSUCQ, « Appréciation des revenus tirés des locaux d’habitation loués meublés comme des biens professionnels au titre de l’exonération à l’IFI », Dalloz Actualité, fiscalité immobilière, 2 février 2024 (en ligne).