Articles de jurisactuubs

  • Le refus de l'application de l'accord de mobilité interne par les salariés

    Arrêt publié le 03 février 2021

     

    Par un arrêt du 2 décembre 2020[1], la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’accord de mobilité interne.

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  • L'introduction d'un droit à la déconnexion dans le Code du travail à partir du 1er janvier 2017

    Article publié le 02 janvier 2017

     

    Dans une ère où les salariés sont « connectés » en dehors des heures de travail, le droit à la déconnexion vise à garantir la santé du salarié. Cette mesure a en effet pour but de réduire le stress au travail. Ce droit implique pour le salarié la faculté d'ignorer tout mail professionnel par exemple, qui lui serait remis après ses heures de travail.

     

    Depuis le 1er janvier, le Code du travail a intégré la notion de droit à la déconnexion au sein de l'article L2242-8 7°. Cela signifie que les entreprises de plus de 50 salariés doivent négocier avec les partenaires sociaux les modalités d'exercice de ce droit, afin de mieux réguler l'intrusion du numérique à des fins professionnelles dans la vie personnelle et familiale du salarié. La question du droit à la déconnexion figure désormais à l'ordre du jour de la négociation collective annuelle relative à la qualité de vie au travail. Un accord doit pouvoir alors être négocié. Ce n'est seulement qu'à défaut d'accord que l'entreprise de plus de 300 salariés pourra élaborer une charte, après avis du comité d'entreprise, ou, le cas échéant, des délégués du personnel ; l'élaboration de cette charte ne pouvant s'exempter de négociation collective préalable. Pour les autres entreprises, l'employeur doit définir ces modalités et les communiquer à ses salariés par tout moyens. Ce droit à la déconnexion vise à redéfinir la frêle limite entre vie professionnelle et personnelle du salarié.

     

    Concrètement, il s'agit pour l'entreprise de réguler l'utilisation des outils numériques, devenus incontournables dans le monde du travail d'aujourd'hui. L'entreprise, mettant à disposition du salarié des ordinateurs, des téléphones mobiles, ou tout autre appareil connecté doit prévoir les modalités d'utilisation de ces appareils. En effet, l'entreprise doit veiller au respect du droit au repos du salarié, obligation dérivant de la préservation de la santé et de la sécurité des salariés par l'entreprise. Dans un arrêt du 11 juin 2006, la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que cette obligation de sécurité de résultat incombait à l'entreprise et non au salarié. Ainsi, l'entreprise ne peut se décharger de cette obligation en laissant au salarié le soin d'auto-gérer l'utilisation d'appareils connectés.

     

    Or, avec les nouvelles dispositions du Code du travail, l'obligation de sécurité de l'entreprise n'est plus une obligation de résultat mais de moyen renforcé. Cette requalification de l'obligation peut-elle être regardée comme la porte ouverte à un affaiblissement des mesures prises par l'entreprise en matière de sécurité au travail ? Malgré cette requalification, l'entreprise doit prouver qu'elle a pris toutes les mesures nécessaires pour gérer le risque. Une potentielle dérive de cette obligation s'en trouve alors limitée.

     

    Du point de vue des risques encourus par l'entreprise, le manquement au respect du droit à la déconnexion est interprété comme une violation de la bonne foi contractuelle de l'employeur. Si la déconnexion du salarié n'est pas appliquée, l'employeur encourt des sanctions au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail. Toutefois, l'entreprise n'est pas à l'abri de salariés récalcitrants malgré les moyens mis en œuvre pour assurer la déconnexion. Des sanctions disciplinaires pourront alors être prises par l'employeur contre le salarié refusant de s'y soumettre. Il apparaît alors plutôt contradictoire de sanctionner un salarié souhaitant être productif.

     

    En conclusion, ce droit à la déconnexion peut être considéré au premier abord comme une bonne chose pour la réduction du stress au travail. Néanmoins, est-il applicable dans toutes les entreprises ? Qu'en est-il des professions où des urgences peuvent survenir hors des horaires de travail ? Ou bien des renseignements fournis d'un collègue à un autre qui se trouve en congé par exemple ? Il semble un peu exagéré de sanctionner le salarié dans de telles hypothèses. Il semble alors que la frontière entre vie personnelle et professionnelle ne puisse être complètement imperméable.

    Lucie TALET

     

    Sources :

  • La requalification-sanction des CDD d'usage en CDI

    Article publié le 06 janvier 2016

    A l’heure où le gouvernement s’attèle à une réforme d’ampleur du Code du travail pour manque de lisibilité et de clarté, la chambre sociale de la Cour de cassation est venue, une nouvelle fois, confirmer sa jurisprudence sur une question plus que controversée ces dernières années : le contrat de travail à durée déterminée. En effet, par un arrêt rendu en date du 20 octobre 2015 (n°14-23.712), la Haute juridiction a fait valoir la suprématie du principe régi par l’article L.121-5 du Code du travail suivant lequel le contrat à durée déterminée doit rester l’exception du contrat à durée indéterminée.

    En raison de la situation de précarité dans laquelle le contrat à durée déterminée plonge le salarié, le législateur et les juges mettent conjointement un point d’honneur au respect de son cadre juridique par les employeurs. Le législateur a en effet prévu des hypothèses précises et limitativement énumérées à l’article L.1242-1-1 du Code du travail dans lesquelles l’employeur peut recourir à ce type de contrat.  Parmi ces hypothèses, l’article L.1242-1-1 3° dudit Code permet à un employeur de conclure un contrat à durée déterminée pour des emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret, convention ou accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée. Suite aux recours intempestifs aux contrats à durée déterminée d’usage de la part des employeurs, la Cour de cassation est venue entériner sa jurisprudence en la matière en précisant, d’une part, une énième fois le régime juridique de ce recours aux CDD d’usage par les employeurs et, d’autre part, en affirmant que la requalification d’un CDD en CDI n’entraîne pas toujours d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

    En l’espèce, un imitateur a été engagé par contrats à durée déterminée successifs et mensuels, dénommés « lettres d’engagement » par une société de production du 2 juillet 1998 jusqu’au 20 septembre 2011, date à laquelle la société a notifié à l’imitateur la fin de leur relation de travail. Ce dernier a intenté une action aux fins de requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de la rupture de sa relation de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

    Par un arrêt en date du 2 juillet 2014, la Cour d’appel de Versailles a fait droit à toutes les demandes du requérant en prononçant la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée unique et en condamnant la société de production à verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au salarié. La société de production a alors formé un pourvoi en cassation. La chambre sociale de la Cour de cassation, par cet arrêt rendu en date du 20 octobre 2015, a partiellement cassé l’arrêt rendu par les juges du fond.

    Tout d’abord, concernant le contentieux de la requalification des CDD en CDI, la chambre sociale de la Cour de cassation, a validé la position de la Cour d’appel. Fidèle à sa jurisprudence en la matière, (cf. deux arrêts de la chambre sociale du 23 janvier 2008 n°06-43.040 et n°06-44.197), la Haute juridiction affirme que le seul fait que l’activité principale de l’entreprise fasse partie d’un secteur d’activité défini par décret, convention ou accord collectif étendu ne suffit pas pour permettre à l’employeur de recourir à des CDD d’usage, encore faut-il que, dans ce secteur, il soit d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère temporaire de ces emplois. Or, en l’espèce, la Cour de cassation relève que, comme l’ont légitimement affirmés les juges du fond, « le caractère temporaire de l’emploi du salarié n’était pas établi et que l’intéressé avait, suivant la répétition durant seize ans de lettres d’engagement mensuelles, exercé les mêmes fonctions d’imitateur dans le cadre du même programme télévisuel ». La Cour de cassation a fait une application classique de la requalification-sanction en raison du non-respect par cet employeur des conditions de recours à un contrat à durée déterminée. La chambre sociale affirme que l’employeur peut conclure des contrats successifs avec le même salarié à la seule condition que « ce soit justifié par des raisons objectives reposant sur des éléments concrets permettant d’établir le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné ».

    Concernant la demande de versement d’une indemnité au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la chambre sociale, au visa de l’article L.1232-6 du Code du travail, ne retient pas l’analyse des juges du fond. Elle affirme, après avoir relevé que le salarié ne contestait pas avoir pris connaissance du courriel émanant de son employeur  valant lettre de rupture du contrat, que le non-respect des conditions de recours au contrat à durée déterminée ne suffit pas pour caractériser un licenciement sans cause réelle et sérieuse à partir du moment où le salarié a reçu de son employeur une lettre de rupture du contrat de travail.

    Cette affaire est donc à suivre puisqu’à la suite de cette cassation partielle, la Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Versailles, autrement composée.

    Marie CALLOCH

    Sources :

    • Me LANGLET, Virginie. « La requalification de CDD en CDI n’entraîne parfois pas d’indemnités pour licenciement sans cause ».
    • PELISSIER, Jean. AUZERO, Gilles et DOCKES, Emmanuel. « La conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée ». Dalloz.
    • PESKINE, Elsa et WOLMARK, Cyril. « Le recours au contrat à durée déterminée ». Dalloz.

     

     

  • La prise d'acte, un acte n'ouvrant pas droit au versement de l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière

    Article publié le 21 décembre 2016

     

    ( Soc., 14 octobre 2016)

    « Auto-licenciement », c'est ainsi que l'on pourrait qualifier la prise d'acte d'un contrat de travail faite par un salarié. Celle-ci permet au salarié de rompre immédiatement le contrat de travail qui le lie à l'employeur pour manquement de ce dernier à ses obligations. Ce mode de rupture n'a pas de régime légal, c'est pourquoi la jurisprudence ne cesse d'étoffer les contours de cette notion d'origine prétorienne[1].

    L'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 14 octobre 2016 revêt un intérêt particulier car c'est la première fois que la solution en la matière est inscrite au bulletin. La question était ici de savoir si le salarié dont la prise d'acte était justifiée pouvait prétendre à l'indemnité due en cas de procédure de licenciement irrégulière.

    En l'espèce, un salarié qui avait conclu un contrat de travail avec une entreprise a pris acte de la rupture de son contrat. Il a alors saisi la juridiction prud'homale pour demander le versement de l'indemnité due en cas de procédure de licenciement irrégulière. La cour d'appel de Cayenne, dans son arrêt du 23 juin 2014, a condamné l'entreprise au versement de cette indemnité. Cette dernière a alors formé un pourvoi en cassation. La haute juridiction rappelle le principe posé par l'article L1235-2 du Code du travail qui interdit le cumul entre indemnité pour procédure de licenciement irrégulière et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle précise que l'indemnité prévue par le texte susvisé ne peut être allouée que lorsque le contrat est rompu par un licenciement. Or, la cour d'appel qui retient que la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en condamnant la société au versement de l'indemnité pour procédure irrégulière, a violé l'article L1235-2 du Code du travail. C'est pourquoi la Cour de cassation casse l'arrêt.

    La Cour de cassation avait estimé qu’il fallait opérer un léger contrôle des griefs invoqués par le salarié pour savoir si la prise d’acte justifiait la rupture du contrat de travail[2]. Le salarié prenant acte de la rupture de son contrat de travail doit saisir dans un délai d’un mois le juge prud’homal pour qu’il statue sur les effets de la rupture. Ainsi, s’il s’avère que les motifs de la rupture sont fondés, alors on estime que la prise d’acte produit les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. A ce titre, elle ouvre le droit à l’allocation de diverses indemnités. En revanche, si les motifs ne sont pas fondés, alors on la considérera comme une démission.

    C’est pourquoi l’arrêt du 14 octobre 2016, qui reste fidèle à la jurisprudence antérieure, paraît justifié. Tout d'abord parce que la prise d'acte n'est pas en soi un licenciement, mais peut s'analyser comme étant un mode de rupture autonome. Cette rupture est initiée par le salarié, c'est pourquoi condamner l'employeur au versement de l'indemnité pour procédure irrégulière semble difficile, d'autant plus que le salarié n'a aucun préavis à respecter. De plus, l'article L1235-2 du Code du travail dispose que « Si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose que l'employeur verse une indemnité ». Cet article exprime de façon intelligible le fait que dès lors qu'un licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité pour procédure irrégulière n'est pas due. Ainsi dès lors qu'une prise d'acte produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité pour procédure irrégulière n'a pas à être allouée. Cela semble logique puisque l'employeur sera déjà tenu au versement de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les deux ne sont donc pas cumulatives.

     

    Camille Rio

     


    [1] La rupture d’acte a été consacrée par trois arrêts 25 juin 2003 affirmant que « lorsqu’un salarié prend acte de rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement si les motifs sont fondés, soit d'une démission s'ils avèrent être infondés ». ( Cass. Soc., 25 juin 2003)