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  • Echange avec un Huissier de justice sur leur nouvelle compétence en matière de procédures collectives

    Article publié le 16 février 2017

     

    L’huissier de justice fait depuis peu l’objet de multiples projets de réforme qu’il s’agisse de son statut ou encore de son activité. Ainsi, l’ordonnance du 2 juin 2016[1] prise en application de la loi Macron[2], a élargi l’activité de l’huissier de justice qui est compétent en matière de procédure collective depuis le 1er janvier 2017.

     L’huissier de justice pourra donc exercer les fonctions de mandataire judiciaire mais sous certaines conditions. En effet l’huissier ne pourra être désigné que dans le cadre des procédures de rétablissement professionnel et des procédures de liquidation, ouvertes à l'égard des entreprises qui ne comptent aucun salarié et dont le chiffre annuel hors taxes est inférieur ou égal à 100 000 euros.

    Que pense l’huissier de justice de cette nouvelle compétence ? L’huissier interrogé estime que « toute attribution de nouvelle compétence est salutaire pour notre profession. Il s'agit d'une reconnaissance supplémentaire de notre expertise, de notre qualité d'Officier public et ministériel dans une matière qui  participe au règlement des créances dans le cadre d'une procédure collective et non plus individuelle. »De plus, il considère qu’en raison de la qualité de juriste de proximité de l’huissier de justice, leur «connaissance du terrain et des acteurs économiques dans un territoire donné permet d'appréhender plus facilement les données d'un dossier par souci de rapidité dans les zones où les mandataires judiciaires sont peu nombreux. »

    Toutefois, il nuance cette nouvelle nomination puisqu’il existe un risque de conflit d'intérêt. En effet l’huissier de justice pourra se retrouver en concurrence avec un mandataire judiciaire qui aurait fait appel à ce dernier pour le recouvrement d’une créance dans le cadre d’une procédure de liquidation.

    D’ailleurs, il estime « qu’en qualité d'assistant du Magistrat dans le cadre du rétablissement personnel, il sera difficile moralement  pour un huissier de Justice de participer à l'effacement des dettes, reconnues dans un titre exécutoire, dont l'une des missions régaliennes est de mettre à exécution une décision de justice! Cela paraît antinomique. »

    De plus, force est de constater que les procédures collectives sont une matière très technique, une spécialité qui demande des connaissances pointues. Il serait légitime de se demander comment l’huissier de justice compte-t-il se former. Il faut savoir que l’huissier de justice conserve un devoir de formation. Ainsi, l'Ecole Nationale de Procédure a prévu un module de formation sur six jours et demi pour appréhender l'environnement et  les techniques de la liquidation judiciaire.Cela sera-t-il suffisant ? Puisque comme l'évoque l'huissier questionné, « il n'y a pas de petite liquidation par principe en mesurant les conséquences humaines.» Mais surtout un rétablissement professionnel ou encore une petite liquidation peut très vite se transformer en une véritable liquidation (délais non-respectés, erreur sur l’actif etc.)

    A la question : cette nouvelle attribution constitue-t-elle une aubaine financière pour votre profession ? L’huissier met en avant les dernières données sur le nombre de défaillances d'entreprises en France  qui enregistrent une baisse d'environ  8,3 % en 2016, notamment concernant les petites entreprises. En effet, « le Législateur privilégie surtout la sauvegarde de justice dans un intérêt bien compris de tous. » Il nous rappelle qu’en matière de «liquidation judiciaire, les honoraires sont prélevés sur les fonds disponibles, que le liquidateur détient à la Caisse des Dépôts et Consignation. Il arrive assez fréquemment qu'en cas d'insuffisance de fonds, le liquidateur n'est pas intégralement payé. Nous sommes soumis au même tarif que le mandataire. D’ailleurs, il est prévu en cas d'impécuniosité le versement d'une indemnisation par un fonds spécifique. » Mais l’Huissier de justice ajoute « Nous n'avons pas d'expérience et de recul dans l'immédiat pour porter un jugement sur la rentabilité de cette nouvelle activité. »

    Enfin, force est de constater que ce sont les tribunaux qui feront de cette nomination un véritable changement ou non. En effet, c’est aux juges qu’incombe la désignation soit du mandataire judiciaire soit de l’huissier de Justice. En conclusion, l’huissier de justice rappelle que « certains mandataires judiciaires ne voient passer que des petites liquidations judiciaires dans des zones en souffrance industrielle. Ainsi, il n'est pas évident que les Tribunaux de Commerce penseront en premier aux Huissiers de Justice. »

    Article rédigé avec le  concours d’un huissier de justice souhaitant garder l’anonymat.

    Elodie PADELLEC

     


    [1] Ordonnance n°2016-727 relative à la désignation en justice, à titre habituel, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires en qualité de liquidateur ou d'assistant du juge commis dans certaines procédures prévues au titre IV du livre VI du code de commerce

     

    [2] Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

  • Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu

    Article publié le 24 février 2017

     

    Ce nouveau mode d’imposition entrera en vigueur le 1er janvier 2018, comme l’a annoncé le ministre des Finances et des Comptes publics et le secrétaire d’Etat chargé du Budget dans une communication au Conseil des ministres le mercredi 3 août 2016 .

    Pour rappel, cette réforme va concerner plus de 98% des foyers et s’appliquera automatiquement. Concernant son fonctionnement, lors de l’année 2017, la déclaration de revenu 2016 donnera lieu à la réception d’un « taux de prélèvement à la source ». Ce taux de prélèvement s’appliquera automatiquement en janvier 2018 et se déduira du salaire normalement perçu. Il convient de noter que ce dernier apparaîtra sur la fiche de paie. Par la suite, une déclaration de revenu 2017 viendra ajuster le taux de prélèvement qui s’appliquera sur l’année suivante. Ce taux pourra bien-sûr changer en cours d’année en cas de changement de situation.Bien que présenté par le gouvernement comme une simplification et une modernisation nécessaire de notre fiscalité, ce changement semble compliqué à comprendre et laisse certaines questions sans réponse, c’est pour cela qu’il est utile de demander conseil à un gestionnaire de Patrimoine.

    • Pour commencer, que pensez-vous de cette réforme ?

    « Elle est indispensable. Le système de perception de l’impôt en France n’est pas vraiment un exemple, il est imparfait et complexe. Avec cette réforme, l’Etat cherche à sécuriser la perception de l’impôt, en s’assurant des revenus réguliers et en diminuant les fraudes. Quand on regarde les autres pays d’Europe, on peut dire que la France rattrape son retard ! Je pense que c’est une réforme qui a du sens, mais qui nécessite des précisions, notamment pour adapter les stratégies patrimoniales que l’on établit avec nos clients. ».

    • Le prélèvement à la source va-t-il modifier le montant de l’impôt ?

    « Non, cette réforme vise uniquement à changer son mode de recouvrement, et non son calcul, c’est d’ailleurs pour cette raison que la déclaration d’impôts reste obligatoire. »

    • Lorsque l’on parle de cette réforme, le terme « année blanche » est souvent évoqué, qu’en est-il en réalité ?

    « Le problème qui va se poser, est qu’il faut éviter de payer deux fois l’IR, celui de 2017 dû en 2018, et dans le même temps les prélèvements à la source sur les revenus de 2018. En réalité, les revenus non exceptionnels de 2017 vont échapper à l’impôt, mais il faudra tout de même déclarer à l’administration fiscale les revenus exceptionnels comme les plus-values mobilières ou immobilières. Ces revenus seront eux imposés en 2018. Mais cette année particulière ne va pas effacer les réductions et crédits d’impôts ! ils vont être maintenus et versés à la fin de l’été 2018 lors du solde de l’impôt. C’est un réel soulagement au niveau des stratégies fiscales que l’on peut mettre en œuvre avec nos clients ».

    • Concernant la confidentialité, le fait d’insérer un tiers, comme l’employeur, dans le mécanisme de l’imposition n’est-il pas dangereux ?

    « Il y a un certain risque en effet, bien que la seule information soit le taux moyen d’imposition et non pas l’ensemble des revenus, il sera facile pour l’employeur de se faire une idée de votre situation. Un taux faible signifierait pour lui des revenus faibles, ou bien une bonne défiscalisation. Mais un taux d’imposition élevé, cela lui indiquerait des revenus élevés. Mais une solution existe, on a laissé le choix aux salariés de choisir un taux neutre, là où l’employeur va donc appliquer un taux calculé sur la base du montant de la rémunération qu’il verse. La différence avec le taux réel, qui correspondrait aux revenus du patrimoine par exemple, sera réglée directement à la DGFIP. Je pense que cette alternative règle le problème de la confidentialité »

    • Les entreprises seront considérées comme des tiers collecteurs, mais en cas d’erreur ou de fraude, qui est responsable ?

    « Si l’employeur n’accomplit pas sa mission, les services fiscaux pourront utiliser les prérogatives classiques à son encontre, et seulement contre l’employeur ! Il n’y aura en aucun cas une solidarité du paiement de l’impôt entre vous et votre employeur »

    Cette réforme va considérablement modifier le mode de prélèvement de l’imposition, mais va nécessiter des ajustements afin d’éviter tout type de fraude. De plus, pour être applicable en 2018, cette dernière doit obtenir l’aval du Conseil Constitutionnel et ne pas être annulée en cas de changement de majorité. Il s’agit ici d’une réelle modernisation de la fiscalité en France, et d’une nouvelle organisation qui n’a pas fini d’évoluer.

    Article réalisé selon l’interview d’un conseiller en gestion de patrimoine souhaitant conserver l’anonymat.

    Gwenn de CHATEAUBOURG