La présence des articles détaillant le formalisme du contrat de consommation conclu hors établissement insuffisante à l’information du consommateur
- Par jurisactuubs
- Le 23/04/2024
- Dans Droit de la consommation
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Civ. 1re, 24 janv. 2024, n° 22-16.115
(Cet article est rédigé sous une approche différente de l'article portant sur le même arrêt commenté par Léna RABILLARD :
"L’admission de la connaissance du vice du contrat conclu hors établissement : revirement de jurisprudence en faveur du consommateur")
Le droit de la consommation est une matière relativement contemporaine. En effet elle trouve ses premières sources dans les années 1970. Ce droit a été créé pour réduire l’inégalité d’information entre le professionnel et le consommateur. Il protège donc grandement le consommateur en créant notamment de nombreuses présomptions à son avantage ou en rajoutant des informations obligatoires que le professionnel doit transmettre lors de la conclusion du contrat.
En l’espèce, un consommateur avait conclu un contrat hors établissement le 7 avril 2016 avec une société pour la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques. Ce contrat est financé par le prêt d’une banque souscrit le même jour. Le consommateur découvrant des irrégularités dans le bon de commande demande l’annulation du contrat ainsi que du prêt.
La Cour d’appel de Douai dans arrêt du 25 novembre 2021 fait droit à la demande de requérant. La société et la banque se pourvoient en cassation.
La société estime sur le fondement de l’ancien article 1338 du Code civil que le contrat a été exécuté de manière volontaire par le consommateur en connaissance des irrégularités du bon de commande. Pour elle cette connaissance des irrégularités nait de la présence de manière « parfaitement lisible » au sein du contrat des articles « L. 111-1, L. 111-2, L. 121-17, L. 121-18, L. 121-18-1, L. 121-18-2, L. 121-19-2, L. 121-21, L. 121-21-2 et L. 121-21-5 du Code de la consommation » qui régissent le formalisme du contrat hors établissement. La présence de ces articles est, pour la société, la preuve que le consommateur est averti, ce qui lui fait perdre sa protection de consommateur.
La première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi dans un arrêt du 24 janvier 2024 et confirme l’interprétation de la cour d’appel estimant que les articles précités « dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles, étaient insuffisants en eux-mêmes à révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon ».
Cet arrêt sonne peut-être la fin d’une tergiversation de la Cour de cassation ces dernières années sur le sujet. En effet de nombreux acquéreurs se servaient de ce moyen pour résoudre ou annuler le contrat de prêt relié à un contrat de consommation erroné. Pour éviter cette dérive la Cour de cassation s’est montrée plus stricte envers le consommateur depuis 2019. C’est dans ce cadre qu’en 2020[1] elle admet pour la première fois que la reproduction des anciens articles L.121-1 et suivants du Code de la consommation pouvait engendrer la connaissance du vice au moment de la conclusion du contrat pour le consommateur. Cette position sévère n’a pas été reprise dans un arrêt du 20 avril 2022[2], au sein duquel elle revient à une interprétation protectrice pour le consommateur. Un énième revirement de jurisprudence dans un arrêt du 31 août 2022[3], confirmé depuis le 1er mars 2023[4] a eu lieu. La position de la Cour de cassation avant cet arrêt était donc que « la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions ». Cette solution est d’ailleurs reprise au sein de l’arrêt étudié. Toutefois, les juges effectuent un dernier revirement de jurisprudence estimant que la présence des articles était insuffisante pour que le consommateur repère les irrégularités du fait de la taille des caractères. Dorénavant, les juges du fond devront procéder à une observation in concreto des contrats conclus hors établissement afin de savoir si le consommateur avait une connaissance effective du vice ou non.
Ce revirement est en réalité assez logique. La Cour de cassation veut avec cet arrêt « uniformiser le régime de la confirmation tacite et de juger ainsi dans les contrats souscrits antérieurement comme postérieurement » à la réforme du 10 février 2016.
Cette évolution est saluée par la doctrine d’autant que la solution la mentionne. La Cour de cassation revient à une certaine orthodoxie du droit de la consommation qui vise justement à protéger la partie faible qu’est le consommateur.
Hugo SOUESME
Sources :
C. HÉLAINE, « Contrat conclu hors établissement et nullité », Dalloz actualité, 02 février 2024, https://dalloz.ezproxy.univ-ubs.fr/documentation/Document?id=ACTU0221301
J. LASSERRE CAPDEVILLE, « Crédit affecté : revirement attendu concernant la connaissance des irrégularités du contrat principal ! », La Semaine Juridique Edition Générale, n° 06, 12 février 2024, act. 193
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